De la quatrième à la cinquième journée du français des affaires :

Allocution d'ouverture prononcée par Joël LÉAUTÉ, Administrateur civil, Chef du bureau des publications à la direction de la communication du ministère de l’Économie et des Finances et du ministère du Budget

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Le ministère de l’économie et des finances et le ministère du budget sont heureux d’accueillir de nouveau cette année l’association pour promouvoir le français des affaires et les personnalités de la francophonie, des universités, des médias, des entreprises et des administrations.

Et, c’est en ce qui me concerne avec un vrai plaisir que j’ouvre pour la 3ème fois consécutive cette Journée du français des affaires, devenue en quelques années un grand moment de notre politique linguistique, mais aussi l’aboutissement du long parcours d’un combattant infatigable au service de notre langue, je veux parler bien sûr du président LAUGINIE, organisateur de cette sympathique manifestation.

"Près de cent millions de personnes ont le français pour langue maternelle, plus de quarante millions d’autres l’utilisent comme langue de travail. Créer les mots à mesure que s’accroissent les connaissances, faire que le français tienne sa place dans le dialogue de l’homme et de la machine, réunir les virtualités de l’univers francophone pour qu’elles résistent au déferlement concurrent", tel sont les axes de réflexion que le Président de la République avait proposés lors de la séance solennelle à l’Académie française il y a quelques années, à l’occasion du 350ème anniversaire de l’Institut.

Toujours d’actualité, ces quelques mots pourraient servir d’avant-propos aux actes de cette journée.

Mais avant d’entamer l’ordre du jour chargé qui nous attend, je voudrais un instant revenir un an en arrière.

Lors de notre quatrième Journée du français des affaires, nous avions évoqué avec Jean Favier, le Directeur des Archives de France, les liens étroits entre la force, le dynamisme d’une économie et la diffusion de la langue par la voie du commerce.

Il nous avait expliqué comment on parlait le vénitien dans les Flandres, haut lieu des foires commerciales du Moyen Âge, et le génois à Besançon, devenue première place financière au XVIème siècle.

Les dernières évolutions de la conjoncture internationale devraient nous faire méditer encore plus que jamais ces réflexions pour apprécier la place que pourrait, que devrait retrouver le français dans le monde des affaires.

Saluée au printemps dernier par les experts de l’OCDE pour avoir mieux résisté que d’autres au ralentissement général de l’économie, la France vient encore de prouver récemment que, dans le concert des nations, elle faisait partie de celles avec qui il fallait compter. Il n’est que de se souvenir des imprécations de nos partenaires européens, il y a tout juste un mois, pour nous supplier de ne pas quitter le navire, faute de quoi l’avenir de la première communauté économique mondiale serait remis en cause.

Alors, si notre économie résiste moins mal que d’autres, si elle est l’objet de tant de sollicitudes, il n’y a pas de raison que son moyen d’expression, sa langue, soit en retrait.

Et si l’on veut conserver à cette langue ses qualités d’instrument, de véhicule d’une société vivante et moderne, il ne faut pas hésiter à y atteler toutes les énergies.

É cet égard, vous n’ignorez sans doute pas le travail considérable des commissions de terminologie ministérielles (il y en a une vingtaine maintenant) qui œuvrent sous la coordination de la Délégation générale à la langue française et sous l’impulsion de son Délégué général, Bernard CERQUIGLINI qui nous fait l’honneur de sa présence aujourd’hui.

En quelques années, plusieurs milliers de locutions ou termes nouveaux, dont près de 250 issus de la seule commission de terminologie économique et financière, grâce au talent, que dis-je, à la fougue, de son Président, Jacques CAMPET, également parmi nous.

Alors, si nos linguistes font preuve d’une telle créativité, que devons-nous faire pour endiguer ce "déferlement concurrent" évoqué tout à l’heure ? Comment agir pour au moins défendre, sinon promouvoir notre patrimoine culturel?

Les Français sont traditionnellement sceptiques quant à l’efficacité de l’Administration. Ils le sont plus encore dans le domaine linguistique...

II est vrai que le libellé de nos arrêtés de terminologie ne nous facilite guère la tâche.

L’an dernier nous avions déjà souligné la difficulté de faire respecter des arrêtés qui édictent des obligations (l’obligation d’utiliser la terminologie officielle) mais ne prévoient pas de sanctions en cas d’inexécution ; autant dire qu’ils en restent le plus souvent à l’état de simple recommandation, de devoir moral.

Doit-on en conclure que nous sommes complètement démunis ? Pas du tout.

Il y a d’abord la valeur de l’exemple à travers la puissance éditoriale du ministère (540 millions de pages publiées par an !). Il existe un effet d’entraînement qui, à la longue, finit par porter ses fruits.

Il y a aussi les méthodes un peu plus "agressives", celles récemment mises en œuvre par la commission de terminologie du ministère des finances pourraient peut-être faire jurisprudence.

La première pourrait s’intituler "l’adresse au Roy" : ainsi, il y a quelques mois, notre courageux président n’a pas hésité à faire des observations au cabinet de l’un de nos ministres pour l’utilisation, dans un communiqué de presse officiel, d’un barbarisme anglo-saxon précisément prohibé par l’un de nos derniers arrêtés de terminologie.

La seconde, non moins audacieuse, vous avait déjà été esquissée l’an dernier mais à titre de simple piste de réflexion. Cette idée reposait sur le bon usage des droits et des devoirs de chacun.

Je m’explique : d’un côté nous avons des arrêtés qui prescrivent, avec le succès que l’on sait, l’utilisation obligatoire de la terminologie officielle notamment, et je cite l’arrêté, "dans les ouvrages d’enseignement... utilisés dans les établissements, institutions ou organismes dépendant de I‘État, placés sous son autorité ou son contrôle ou bénéficiant de son concours financier...", autrement dit la quasi-totalité des établissements scolaires et universitaires ; de l’autre, nous avons les éditeurs scolaires et universitaires qui sollicitent régulièrement l’autorisation de reproduire dans leurs ouvrages les analyses et études publiées par le ministère des finances.

Nous nous sommes dit qu’un jour peut-être le rapprochement des intérêts bien compris des uns et des autres permettraient d’obtenir plus aisément ce qui jusqu’à maintenant en restait à l’état de vœu pieux.

Eh bien, c’est aujourd’hui chose faite : le 24 septembre dernier, le bureau des publications et la commission de terminologie du ministère des finances adressaient sous une même signature (le chef du bureau des publications est aussi le secrétaire général de la commission de terminologie !) un courrier au directeur du Syndicat national de l’édition pour lui faire part de leurs préoccupations.

Et hier, nous avons reçu une réponse de cet organisme nous faisant savoir qu’il accueillait très favorablement cette démarche et entreprenait immédiatement de sensibiliser ses mandants avec un engagement de refaire le point dans quelques mois.

On constate ainsi qu’il est parfois utile de faire preuve d’un peu de détermination pour obtenir gain de cause.

Mais le meilleur moyen de diffusion reste encore le dynamisme communicatif et le rayonnement de nos entreprises à travers le monde.

Et ce dynamisme sera plus facilement entretenu, notamment en Francophonie, si la France continue à être un partenaire loyal et à jouer un rôle moteur aussi bien en matière économique que linguistique.

Elle le fera d’autant mieux si elle sait faire entendre sa voix auprès de ses nouveaux partenaires de demain, sans renier les engagements pris avec ses amis de toujours.

Les inquiétudes sont nombreuses, les espoirs sont immenses, les premiers apaisements ont été donnés (le gouvernement français vient de rappeler solennellement que la coopération franco-africaine, et en particulier la zone franc, ne souffrirait pas de la mise en place de l’Union économique et monétaire européenne).

Restons vigilants mais soyons confiants, je crois que les expériences qui nous seront relatées tout à l’heure sont suffisamment riches d’enseignement et porteuses d’espoir, pour nous rassurer sur l’avenir de la francophonie en général et de son ciment linguistique en particulier.

Je vous remercie.

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