ALLOCUTION D'ANTOINE MAILLARD,

Directeur de l'Ecole supérieure de commerce de Sierre (Suisse)

Neuchâtel - 30 novembre 1995


LE MOT D'OR 1995

En 1549, il y a donc près de 450 ans, Joachim du Bellay fait paraître sa "Défense et Illustration de la langue française". Les préoccupations de Joachim du Bellay n'ont pas une ride. Et Pierre Etiemble, dans les années soixante, soulevait le même problème dans un ouvrage remarquable : "Parlez-vous franglais ?" Il mettait en évidence la richesse de notre langue, trop souvent délaissée pour des termes étrangers.

Nous devons défendre notre langue et l'illustrer, c'est-à-dire l'enrichir, par la création de mots nouveaux, qui décrivent avec précision des concepts nouveaux. Défendre le français n'est pas faire preuve de chauvinisme; c'est défendre notre culture. La langue, c'est le génie et la culture d'un peuple.

Les promoteurs du concours "Le Mot d'Or" œoeuvrent dans ce sens. Leur idée m'a immédiatement convaincu. J'y ai vu une occasion de mettre les étudiants de l'École supérieure de commerce de Sierre face au problème. L'appel à la créativité des jeunes m'a également plu. On se plaint souvent que les jeunes sont des consommateurs. Avec "Le mot d'or", ils devenaient des acteurs.

Dans un premier temps, j'ai inscrit tous les élèves de l'école au concours "le Mot d'Or". L'examen des épreuves a révélé des difficultés insurmontables pour les élèves de première année. Ce sont dès lors 115 jeunes qui ont consacré deux heures à découvrir des mots qui fleurent bon notre langue et à en suggérer de nouveaux.

En général, les candidats ont rédigé assez aisément les deux premières parties de l'épreuve. La pratique de l'anglais leur a permis de passer sans trop de difficultés du franglais au français.

Les deux dernières parties étaient moins abordables pour nos élèves. Ils avaient le handicap de ne posséder que peu de racines grecques ou latines, racines qui sont tout de même la base de l'enrichissement de notre langue. Dans la troisième partie, je puis cependant relever quelques suggestions assez heureuses. Ainsi, pour l'alliance de deux marques, on propose : bimercacité, duoperformance, publifusion et marcalliance. Pour la comparaison des produits et des méthodes avec ceux des meilleurs concurrents, on crée : comparaison concurrentielle, concurro-comparaison et autocomparaison extérieure. Enfin, pour la politique commerciale qui lance un produit à un prix élevé, on suggère : la surélévation primaire, la politique Trocher, le PEMP (prix élevé, marque prestigieuse) ou le prix griffé.

Dans la quatrième partie, on demandait aux jeunes d'exposer leurs projets d'entreprises. Ce qui m'a frappé, ce n'est pas tant les projets que la façon de réaliser ces projets dans les entreprises. Il y a très souvent un désir de solidarité, d'aide aux démunis, du respect de l'environnement. On veut créer des entreprises pour les jeunes, on veut mettre sur le marché des produits de qualité mais bon marché. Une chose m'a particulièrement étonnéénbsp;: le bénéfice reste souvent au second plan. D'abord servir, ensuite gagner. En cela, les jeunes de Sierre expriment les idées des jeunes d'aujourd'hui.

Quelques participants ont tout de même donné des détails sur l'entreprise qu'ils souhaitaient créer. Pour l'un, ce sera la maison "Prosports". Des employés spécialement formés pour telle clientèle particulière (jeunes, adultes...) assureront un service de premier ordre. Un autre ouvrira la maison "Kifétou", service de dépannage universel. Toujours cette idée du respect de l'autre, de l'entreprise au service des clients.
Dans un domaine utopique, mais qui révèle toujours cette notion de rapport entre les hommes, un jeune verrait un gigantesque pont entre Montana et le Val d'Anniviers. L'ouvrage, abondamment décoré de peintures et de sculptures, serait à la fois pont-exposition et lien entre deux régions qui se regardent parfois comme chien et chat.

Je félicite les organisateurs du concours "Le Mot d'Or". Ils sauront apporter à leur épreuve les améliorations qui la rendront encore plus attractive. Cependant, au terme de mon intervention, je puis dire que si le concours a sensibilisé les jeunes à la richesse, à la beauté de notre langue, s'il leur a donné l'envie de l'utiliser et de l'enrichir, il a atteint son but.

(Intervention faite lors de la remise des prix aux lauréats du concours "Le Mot d'Or", le 30 novembre 1995, à Neuchâtel.)

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