ALLOCUTION D’OUVERTURE prononcée par Joël LÉAUTÉ,
Administrateur Civil, Chef du Bureau des publications à la Direction de
la Communication du Ministère de l’Économie, des Finances et du Budget

Le ministère de l’économie, des finances et du budget est heureux d’accueillir de nouveau cette année l’Association pour la promotion du français des affaires et les personnalités de la francophonie, du corps diplomatique, des universités, de la culture, des médias, du monde des affaires et de l’administration.

Votre présence ici démontre le vif intérêt que vous accordez à la langue française, à son rayonnement et à ses implications culturelles et commerciales. Je suis convaincu que les débats que nos allons entreprendre cet après-midi enrichiront encore les travaux de la commission de terminologie de notre ministère dont le président, M. Jacques Campet, regrette de ne pouvoir être parmi nous en ce moment, retenu par une séance plénière à la Cour.

Nous n’ignorons pas que "le fait français" est confronté à de multiples défis, qu’il s’agisse de la crise des identités culturelles qui le frappe autant que tout autre, ou qu’il s’agisse du fléchissement du rayonnement du français à travers le monde, par exemple en tant que langue des sciences ou des organisations internationales.

Aussi, si nous ne voulons pas que les quelques reculs enregistrés ici et là ne se traduisent bientôt par une retraite en ordre dispersé face à l’avancée, et pourquoi ne pas le dire l’envahissement, des termes anglo-saxons dans notre vie quotidienne et, plus particulièrement en ce qui nous concerne, dans la vie des affaires, il nous faut réagir sur tous les fronts.

En d’autres termes, si nous voulons que notre langue joue son rôle de sauvegarde du fait culturel et d’instrument de la pensée universelle, elle doit, paradoxalement, ne pas se limiter à la culture purement littéraire, bien au contraire elle doit s’adapter efficacement et le plus rapidement possible aux changements techniques, scientifiques, industriels et commerciaux qui ne cessent de modeler nos sociétés.

Tout le monde sait, et Jean Favier nous le redira certainement mieux que moi tout à l’heure, tout le monde sait que la diffusion de la langue a toujours suivi de près le développement des relations commerciales.

Aussi, dans le contexte de mondialisation des communications et d’une économie à échelle planétaire, il nous appartient de faire en sorte que l’un des principaux véhicules de notre langue, je veux parler du monde des affaires, soit le mieux armé possible pour assurer la présence de notre culture partout où notre négoce s’exerce.

Si l’utilité de la langue n’est plus à démontrer, et si notre économie n’a pas à rougir de la concurrence, à nous donc de veiller à une utilisation adéquate d’un français simple, clair et précis, facile à manier, compris et apprécié de tous.

À cet égard, je voudrais, sans anticiper sur les débats qui vont suivre notamment dans le cadre de la prochaine table ronde, je voudrais m’élever contre une critique facile du travail des commissions de terminologie.

À en croire certains, l’œuvre de terminologie serait le fruit des sympathiques réunions de doctes académiciens aux cheveux blanchis par le poids des ans et des mots, m.o.t.s., et finalement ne servant pas à grand chose.

Le combat ainsi livré aux intrus de la langue française serait un combat d’arrière-garde, et disons-le en un mot, un peu ringard.

C’est faux, d’abord aucune des personnes présentes sur ce plateau n’a de cheveux blancs,... enfin pas vraiment.

D’autre part, l’expérience montre que l’acharnement et le bon sens finissent toujours par payer.

Quelques exemples :

Tous ceux qui se penchent sur les comptes et bilans des entreprises connaissent la fameuse "marge brute d’autofinancement" encore plus connue sous son abréviation M.B.A.

Il y a une quinzaine d’années, cette locution n’existait pas et tout le monde parlait alors de "cash flow", ayant la même signification et aujourd’hui pratiquement disparu du langage économique. Qui se souvient que la M.B.A. est une pure création de notre commission de terminologie, datant de 1973 ?

Même chose pour le "goodwill" enfin devenu depuis l’an dernier la survaleur ou écart d’acquisition.

Les sigles ou abréviations anglo-saxonnes sont plus faciles à retenir ? Qu’à cela ne tienne ! La règle F.I.F.O. (first in, first out) connue de tous les comptables et fiscalistes, ne résiste plus à notre P.E.P.S. non moins intelligible puisqu’elle en est la traduction littérale (premier entré, premier sorti).

Quant à notre R.E.S. (le rachat d’entreprise par ses salariés) : à peine publié (il date de l’arrêté de 1990), il a déjà définitivement balayé son équivalent anglais L.M.B.O. (leveraged management buy out) qui commençait pourtant à poindre avec insistance dans les colonnes spécialisées.

Mieux encore (car ce sont des mots que vous utilisez tous les jours), oseriez-vous, aujourd’hui sans craindre le ridicule, vous présenter dans un magasin d’informatique pour demander un software de gestion intégrée, ou encore un package, alors que vous voulez parler de logiciel ou de progiciel...

Mais savez-vous que les termes "logiciel" et "progiciel" datent de moins de 10 ans et qu’ils sont aussi des créations d’une commission de terminologie, qu’aujoud’hui personne ne songerait à railler, bien au contraire.

Alors qui sont les ringards ? Vous voyez bien que l’on peut être de son temps, voire dans le vent, sans céder systématiquement à une mode qui, pour permettre à certains de jouer les initiés, juge indispensable d’emprunter ailleurs ce que nous possédons dans notre patrimoine.

En conclusion, je voudrais simplement souligner à nouveau ce que vous avez tous compris : défense de la langue et développement économique sont étroitement liés ; le ministère qui a le plaisir de vous accueillir en ce lieu en a parfaitement conscience et les travaux de sa commission de terminologie sont là pour en témoigner tout comme l’est sa participation à cette manifestation.

Mais, je ne voudrais pas clore mon propos sans rendre un hommage appuyé au dynamisme de l’Association qui nous réunit aujourd’hui et plus encore à son président, véritable fourmi qui réussit à faire bouger le mastodonte qu’est notre ministère.

Car, même aidé par quelques parrains prestigieux, c’est à vous et à vous d’abord que nous devons cette journée, devenue en quelques années une véritable institution dans notre politique linguistique.

Aussi, en vous rendant la parole pour l’ouverture des premiers débats, je vous dis encore bravo pour votre entreprise M. Lauginie et bien sûr bienvenue à tous !

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