Exposé de Jean-Paul GUIDECOQ,

Attaché linguistique à Budapest

L'ÉCOUTE DE 350 ENTREPRISES FRANCOPHONES


Je vais vous parler de l'enquête que nous faisons au service culturel à l'Ambassade de France à Budapest. La Hongrie n'est pas un pays francophone, elle est un pays où l'on parle français, où l'on apprend le français. Vous avez actuellement cinquante mille apprenant de l'école primaire jusqu'à la formation continue, en passant par le secondaire et le supérieur. Vous avez environ 1 350 professeurs de français répartis sur l'ensemble du territoire. Cinq départements de français, 47 lectorats, les lectorats sont l'équivalent des UFR, c'est-à-dire les instituts de langues rattachés à des universités ou à des centres d'enseignement supérieur qui enseignent des matières techniques, scientifiques, sciences humaines, etc. Vous avez cinq lycées bilingues qui ont été créés avec l'aide de l'Ambassade de France à partir des années 80-90, et vous avez, je crois que c'est important de le souligner, 350 entreprises francophones, pas essentiellement françaises mais majoritairement françaises, suisses, belges, canadiennes, qui sont présentes en Hongrie et qui représentent à peu près 800 millions d'investissement, c'est énorme, la France est actuellement le quatrième investisseur en Hongrie, elle investit dans absolument tous les domaines, elle investit bien sûr dans le domaine agroalimentaire (je pense que vous savez qu'une partie du Tokaï appartient à des groupes comme AXA, GAN, etc...), dans le secondaire et bien sûr dans le tertiaire.

Le constat que l'on peut faire dans l'enseignement du français est le suivant : le français a eu incontestablement le vent en poupe à partir des années 89-90, c'est-à-dire au moment du changement de régime, on a profité de la baisse de l'enseignement du russe ; mais actuellement nous devons le reconnaître, il y a une certaine stagnation de l'enseignement du français ; le français connaît de grosses difficultés dans l'enseignement du primaire, il est environ à 8% des apprenants dans le secondaire, il est à 13-14% au niveau des universités, nous sommes la quatrième langue, pudiquement nous disons souvent nous sommes la troisième langue occidentale, après l'anglais, l'allemand et le russe. Le constat que nous faisons est le suivant : nous ne pouvons plus envisager d'apprenants français, uniquement pour renseignement, pour devenir professeur. En quelque sorte, la machine tourne un peu à vide ; la Hongrie a été amenée à prendre des mesures relativement difficiles sur le plan budgétaire concernant l'enseignement supérieur et les centres de langues. Cela est vrai pour l'anglais, cela est vrai pour l'allemand, cela est bien sûr vrai pour le russe, l'italien, l'espagnol et le français. Notre volonté a été d'essayer de comprendre, de faire un bilan du statut du français au niveau des entreprises, comme disait M. CHOLLET tout à l'heure, dans les entreprises, on parle quelquefois très souvent le français.

Nous avons donc lancé une enquête qui a duré quatre mois, enquête qui s'est étendue sur l'ensemble des 350 entreprises francophones. Nous avons passé un contrat avec une entreprise francophone liée à une filière, qui s'appelle Université technique de Budapest, cette filière est intéressante parce que vous pouvez faire des études jusqu'à bac+3 en langue française dans les domaines comme le génie électrique, la chimie, la physique, la résistance des matériaux.

Vous voyez que le français ne se cantonne pas strictement à être une langue littéraire, c'est aussi, par exemple une langue économique. Cette entreprise a pris des contacts avec l'ensemble des entrepreneurs qui ont accueilli très favorablement cette enquête que je vais vous présenter. Les données ont été montées sur un logiciel français / anglais dans un contexte hongrois économique que nous allons mettre à la disposition de l'ensemble des entreprises, l'ensemble des partenaires éducatifs en Hongrie, pour fa,ire un bilan, un premier constat, constat d'abord de la pratique du français, constat de la politique linguistique menée au sein des entreprises et constat aussi des emplois à pourvoir.

Les 350 entreprises représentent un volume d'emploi d'environ 20 000 personnes, ce qui ne veut pas dire l'emploi de 20 000 Francophones. On peut escompter environ 1 500 à 2 000 emplois qui sont offerts à des gens utilisant ou pouvant utiliser la langue française ; mais nous pensons que cela doit marquer le fait que le français peut être perçu, moins comme une langue culturelle que comme une langue professionnelle, qu'il a une vertu d'excellence professionnelle dans des domaines dans lesquels les entreprises sont amenées à recruter : le tertiaire, l'hôtellerie, la restauration, les banques, le monde industriel et aussi l'agroalimentaire.

Je vais vous présenter quelques éléments de cette enquête. D'abord dans une première partie le dossier donné par ces étudiants et ensuite, à travers un exemple, les réponses qui ont été effectuées par ces entreprises.

Vous avez deux éléments importants :

- les paramètres économiques ; nous avons demandé aux entreprises, bien sûr la participation et le niveau de participation effective de la maison mère, l'évolution du chiffre d'affaires depuis trois ans, depuis l'implantation de ces entreprises, les prévisions économiques, les anticipations des entrepreneurs pour l'année à venir, développement, stabilité, stagnation, le nombre d'emplois pourvus par l'entreprise et le nombre d'emplois au niveau des cadres, des personnels administratifs employés, francophones, anglophones, germanophones, hongrois ou de nationalité française.

- les langues de communication interne et externe à l'entreprise. Votre entreprise a-t-elle ou non des relations avec l'étrange ? Pratiquez-vous une politique de formation professionnelle au sein de cette entreprise ? Si oui, sous quelle forme et ensuite, avez-vous l'occasion d'avoir des contacts dans cette politique professionnelle et linguistique, des contacts avec des pays francophones ?

Nous arrivons à l'utilisation effective du français, quel usage le personnel fait-il du français ? Cela correspond à une tentative de comprendre l'utilisation du français au sein de l'entreprise. Qu'est-ce que c'est que parler français, combien de fois, à quel niveau, y-a t-il un usage effectif du français de spécialité, c'est-à-dire entre un poste dans lequel on demande la pratique de la langue française à un certain niveau de communication et l'utilisation effective au sein de l'entreprise ? Y a-t-il un hiatus ? Nous essayons en quelque sorte de comprendre le profil cherché et le profil effectif au sein de l'entreprise, pour l'utilisation du français. Organisation ou non d'une formation linguistique. Avez-vous besoin d'interprètes ? L'entreprise participe-t-elle, sous forme d'heures attribuées, sous forme de contribution financière, à la formation en français ?

Je vous donne ici le résultat d'une entreprise dont je tais le nom, parce que nous n'avons pas encore son accord pour le citer. C'est une entreprise très connue en France dans le domaine à la fois de la publicité et du commerce ; nous avons un résultat concernant le chiffre d'affaires, les relations que cette entreprise française en Hongrie possède avec les pays étrangers, France, Angleterre, Allemagne, etc., les personnels, les langues de communication : nous voyons ici par exemple que vous avez deux cadres, trois administratifs, aucun agent de maîtrise, et que dans ce personnel, vous avez un cadre anglophone, deux personnels administratifs qui sont aussi anglophones, vous avez une personne administrative francophone, aucun Français natif. Les langues de communication interne en sont à la fois le français, le hongrois, l'anglais et l'allemand, je crois que c'est assez intéressant, et en communication externe, on rajoute le néerlandais, l'entreprise est en contact avec la Belgique et les Pays-bas.

Formation et relation avec l'enseignement supérieur.
Y a-t-il une politique de formation professionnelle ?
Y a-t-il en particulier des accueils de stagiaires ? Nous essayons de développer l'accueil de stagiaires au sein des entreprises francophones en Hongrie.
Accueil ou non d'étudiants en cotutelle, l'utilisation du français, y a-t-il besoin d'interprètes, y a-t-il une formation linguistique en faveur des employés ?

On relève qu'il y a des cours qui sont donnés à l'extérieur de l'entreprise, que cette entreprise participe à 100% au financement de ces cours en français.
Au niveau du personnel, nous voyons que les gens qui travaillent au service clientèle, à la vente, utilisent quotidiennement le français à un niveau moyen. Il en est de même pour les directeurs et les cadres supérieurs. Nous voyons par exemple que les gens qui sont à la vente et au service clientèle, ne discutent pas de sujets généraux en français, ne font pas circuler d'informations entre Francophones et non Francophones, mais par contre ont des contacts avec des Francophones, ont des communications téléphoniques avec des Francophones, travaillent et communiquent en français ; leur langue de correspondance professionnelle est le français. Voilà donc un exemple très concret de l'utilisation effective ou non de la langue française, au sein d'une entreprise francophone. Nous avons actuellement une base de données de 211 entreprises qui apparaissent maintenant sur le logiciel ; la deuxième partie du travail va consister à divulguer ces informations, à essayer de sensibiliser nos partenaires du monde professionnel et aussi du monde éducatif hongrois à l'utilisation de cette langue française et à essayer de développer les filières professionnelles dans lesquelles le français devient une langue importante.

Je vous remercie.

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