Claudine BOURREL

Chargée de mission auprès du sous-directeur de l'éducation, de la recherche et de la culture,
Secrétariat d'État à la Coopération


Je tenais à apporter ce que j'aurais peut-être pu appeler des nouvelles du front des pays en voie de développement parce que la situation de la langue française y est assez paradoxale.

On assiste à un choix d'apprentissage de la langue française par des populations qui traditionnellement n'y accédaient pas, soit parce que c'étaient des population qui n'étaient pas scolarisées comme les marchandes de cacahouètes, les dockers du port de Djibouti ou autres, qui s'inscrivent fréquemment dans les Alliances françaises lorsqu'elles existent et qui s'inscrivent pour apprendre une langue pratique de communication qui leur sert à travailler, c'est le cas des mamas-Benz, les fameuses dames qui font du commerce dans l'Afrique centrale et en revanche, dans les secteurs de population qui ont été scolarisés dans la langue française, qui est souvent la langue officielle ou la langue d'enseignement de la plupart de ces pays et qui la pratiquent, avec les heurs et les malheurs de leur système éducatif qui est souvent suffisamment dégradé pour que la langue ne soit pas toujours acquise d'une manière parfaitement performante.

Ces pays, donc, demandent et ont demandé très récemment dans une des activités de l'accompagnement du sommet de Hanoi, les assises d'enseignement du français, un français pratique ; il y a une demande fondamentale du français de spécialité et du français d'usage pratique dans tous les domaines, et c'est pour cela que je voulais parler de "nouvelles du front", je crois que là il y a un enjeu de la langue française qui est très important.

Les personnes qui ont choisi d'aller vers cette langue française, c'est souvent parce que cela leur permet de gagner leur vie et c'est en même temps une manière pour eux d'appartenir à une communauté, qui est une communauté de vie intellectuelle, culturelle. Ceci permet de répondre aux deux préoccupations de cette réunion qui étaient, quelle place pour la langue française ? Je viens de vous l'esquisser à grands traits, mais en même temps, quelle place pour la diversité culturelle ?

Quand le Rwanda actuel, après ce qui a été connu de son histoire récente, voit ses professeurs reprendre le travail à l'université, ce sont souvent des anglophones, des Rwandais qui s'étaient réfugiés dans les pays anglophones et ce sont ces anglophones qui viennent nous demander de remettre en route l'usage de la langue française à l'université, c'est un choix qui n'a plus rien à voir avec d'autres choix, que nous stimulions, que nous continuions à guider ou à imposer.

Quand nous assistons également au choix des filières mixtes de sciences et de français en Asie, c'est un choix momentané auquel il faut que l'on puisse répondre également parce que les élèves et les enseignants qui interviennent dans ces filières le font avec beaucoup de professionnalisme, et si nos entreprises ne recrutent pas ces élèves francophones demain, ce ne sera plus la peine de continuer à parler d'une extension de la langue française.

Donc, dans ces pays, la langue française est une langue utile. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas culturelle, ce n'est pas la préoccupation du moment, mais ce français des affaires, pour ces pays est en passe de devenir pour nous une impulsion à suivre, c'est véritablement un phare dont il faudrait que les différents secteurs de spécialité s'inspirent. M. Lauginie a un côté vigie extrêmement important, les enseignants, les professionnels des différentes matières doivent se sentir investis. Là, il y a un rendez-vous de l'histoire par rapport à ces pays auquel on peut difficilement se dérober.

Retour au sommaire des actes des 10ème et 11ème journées
Retour au sommaire des journées
Retour au sommaire général