INTERVENTION d'Anne MAGNANT
Déléguée générale à la langue française


Merci, Monsieur le Président, de me donner la parole.

Je voudrais vous dire combien je me réjouis de cette nouvelle rencontre avec vous, pour la dixième Journée des Mots d'Or et du français des affaires. C'est toujours un moment privilégié de rencontre avec nos nombreux amis qui sont nos partenaires dans l'action en France, puisque je vois dans la salle beaucoup d'associations, beaucoup d'amis de la Délégation générale à la langue française et ceux qui sont des amis de l'APFA sont des amis de la Délégation générale et aussi parce que je vois dans la salle tous ces jeunes français et francophones qui ont participé au concours et qui montrent ainsi tout l'attachement qu'ils portent et à la langue française et à la diversité culturelle et linguistique.

Merci à vous tous de votre présence ici, je remercie en particulier le Ministère de l'économie et des finances, même si M. Moulin n'est plus là, pour dire que c'est un partenaire extrêmement important d'une part, par le rôle que joue Jacques Campet et d'autre part, par le rôle que joue le Ministère des finances pour l'application de la loi sur l'emploi de la langue française dont vous savez qu'il est avec nous, chargé de suivre toute l'application.

J'ai trouvé l'exposé que nous venons d'entendre, et je pense que vous partagez mon sentiment, extrêmement passionnant et fascinant, parce qu'il nous montre dans le long terme quelles sont les grandes évolutions ; c'est vrai que l'on a souvent besoin de penser dans le long terme et qu'on a souvent des difficultés à réagir à plus de 6 mois et dans le meilleur des cas, on arrive à réagir à 3 ou 5 ans. On a de la peine à réagir plus loin et les démographes sont ceux qui nous permettent de réfléchir dans le long terme et de ce point de vue-là, je trouve que l'intervention que M. Chesnais vient de faire est extrêmement passionnante.

M. Lauginie vous avez eu une excellente idée de proposer d'ouvrir nos débats et nos réflexions à un démographe. Je réagis juste un tout petit peu pour ce que M. Chesnais a dit sur la place du français dans l'Union européenne actuellement, vous avez dit que le français était la sixième langue. D'après ce que j'en sais, d'après les chiffres dont je dispose, c'est la deuxième langue. La première langue de l'Union européenne, c'est l'allemand, qui est parlée par 80 millions d'habitants, et après, on a à peu près à égalité l'anglais et le français, parlés par à peu près le même nombre de personnes, l'italien venant tout de suite après. On en rediscutera si vous le voulez mais ce que je voulais dire aussi, parce que je crois que c'est important dans le débat sur le français, c'est que, certes le français est en très très grand recul dans le monde par rapport à ce qu'il était, mais qu'il faut bien avoir présent à l'esprit que le français demeure la deuxième langue de communication dans le monde, après l'anglais et qu'il est avec l'anglais la seule langue qui soit enseignée dans tous les pays du monde. Où que l'on aille dans le monde, on peut suivre des cours de français et cet aspect-là des choses, est extrêmement important même si, et vous avez eu tout à fait raison de nous le rappeler à tous, dans les grandes évolutions, en quantité, en nombre de locuteurs, c'est vrai que le français n'a pas eu une multiplication importante ; en même temps et là, si vous aviez des chiffres, M. Chesnais, ce serait extrêmement intéressant de les apporter, on dit souvent que le français n'a jamais été parlé par autant de personnes dans le monde, compte tenu des diverses évolutions démographiques, même si le taux multiplicateur est infiniment inférieur aux autres langues que vous aviez citées, je crois que ces mises en perspective sont d'une part passionnantes à titre intellectuel, mais aussi nous ramènent vraiment aux problèmes sur lesquels nous essayons tous ensemble d'agir et de réfléchir, qui sont, quelle place pour le français, et quelle place pour la diversité linguistique dans le monde.

Je voudrais aussi remercier M. Lauginie des autres points qu'il a proposé d'inscrire dans les réflexions de cet après-midi. Vous avez proposé de réfléchir à la place de l'internet, aux idées nouvelles qu'apporté l'internet, vous avez proposé de réfléchir à l'état et à l'avenir du français des affaires, sur ces deux domaines, je crois que ce sont des pistes neuves et que les réflexions que vous allez nous proposer vont être pour nous tous extrêmement intéressantes. À la Délégation générale à la langue française, l'enjeu de l'internet est un enjeu majeur et l'autre enjeu majeur, c'est la place du français dans les organisations internationales. Il me semble que par les deux pistes que vous nous proposez, nous sommes au cœur de ces deux enjeux majeurs.

L'internet, enjeu majeur. D'abord, il est important qu'il y ait du français sur l'internet et nous avons veillé au niveau interministériel à ce que les serveurs des administrations soient en français, une instruction du premier ministre a été donnée à l'ensemble des administrations pour que les serveurs soient en français et pour que, quand une traduction a été jugée utile, cette traduction soit faite dans plusieurs langues ; nous avons fait le point sur la mise en œuvre de cette circulaire et nous avons observé que les administrations ont bien respecté ces indications qui leur étaient données et les serveurs des administrations sont bien en français et si dès le départ les traductions ne sont pas en plusieurs langues parce que c'est cher, il y a, en tout cas, un plan qui permet de voir quand elles auront lieu.

Donc je tenais à vous donner ces indications, parce que cela me paraît un point positif dans la réflexion.

L'autre élément sur lequel nous réfléchissons, et je pense que là nous sommes dans le cœur du débat que vous proposez, c'est l'internet : qu'apporte-t-il de neuf en terme d'accès à l'information ?

Le premier thème c'est comment assurer la protection du consommateur dans ce monde extrêmement ouvert où le commerce électronique va commencer à faire son entrée et ou des réflexions sont conduites dans de nombreux secteurs au niveau national, au niveau européen, au niveau international, sur la manière dont on peut essayer d'élaborer un code de bonne conduite pour l'utilisation de l'internet dans le commerce électronique. Notre souci majeur, c'est comment assurer dans ce contexte la protection du consommateur, étant entendu que la protection du consommateur est naturellement assurée par l'utilisation de sa langue nationale.

Le deuxième sujet de préoccupation, dans le domaine de l'internet, c'est le problème de l'égalité d'accès à l'internet, le risque qu'il y a de voir l'internet créer dans notre pays une nouvelle inégalité entre les citoyens, le risque qui est parfois évoqué dans un certain nombre de textes d'un nouvel analphabétisme en face de nouveaux moyens d'accès à l'information, donc ce danger qu'il y a en face d'une information qui serait certes la plus large possible, plus large qu'elle n'a jamais été, mais qui, parce qu'elle ne serait diffusée que dans une seule langue ne serait accessible qu'à un petit nombre.

Sur ces deux domaines là, nous pensons vraiment qu'il y a des enjeux majeurs pour notre pays, pour la diversité culturelle en Europe et je suis reconnaissante à M. Lauginie d'avoir proposé un débat qui va, si ce n'est très précisément aborder ces thèmes-là, en tout cas aborder des thèmes qui sont tout à fait proches.

L'avenir du français des affaires, là aussi me paraît un thème extrêmement important dans les préoccupations plus générales sur la place du français dans le monde, puisque l'économie est évidemment un vecteur majeur du français, je crois que, ce qui est important pour nous tous, c'est notamment pour nos amis étrangers qui ont choisi le français, c'est de bien voir ce qu'on veut pour l'avenir du monde, quelle place on veut réserver à la diversité culturelle et si nous sommes tous d'accord pour penser que le monde dans lequel nous voulons vivre, c'est un monde ouvert, un monde où chacun peut exprimer sa culture ; il y a un autre aspect aussi, plus strictement économique, plus directement lié à l'emploi, on observe, quand on regarde les offres d'emplois, quand on regarde les évolutions des courbes d'emplois, que la connaissance de plusieurs langues est un facteur extrêmement important pour trouver un emploi et que c'est souvent la connaissance de plusieurs langues qui fait la différence. Je crois, et là je m'adresse à nos amis de cette partie-là de la salle, à nos amis jeunes, je crois effectivement que c'est un choix extrêmement important d'essayer de connaître et de pouvoir pratiquer plusieurs langues pour trouver un emploi et aussi pour essayer de construire un monde qui demeure un monde ouvert.

Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais dire après l'exposé magistral que nous venons d'entendre et avant d'entrer dans les thèmes plus précis de l'après-midi.

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