TERMINOLOGIE

Quelques bons mots...

Une des tâches les plus importantes du service de terminologie de la Délégation générale à la langue française est le suivi des travaux des commissions ministérielles de terminologie (CMT). Au nombre de 16 à ce jour, réparties en une quarantaine de groupes de travail, elles constituent aujourd’hui une vaste entreprise de terminologie. On peut se faire une assez bonne idée de leurs recherches en consultant la nouvelle édition du Dictionnaire des termes officiels qui répertorie les termes qu’elles ont traités depuis leur création en 1970. On y trouvera bien sûr quelques disparités mais celles-ci devraient disparaître prochainement par la refonte en cours d’anciens arrêtés de terminologie (qui devrait aboutir d’ici la fin de 1991).

Il est normal de s’interroger sur l’impact de ces travaux menés sur plus de vingt années, et c’est dans cette perspective que la Délégation générale à la langue française a lancé auprès de départements universitaires spécialisés une enquête sur l’implantation terminologique : celle-ci devrait permettre de mieux cerner, par domaine, les néologismes qui se sont véritablement imposés. Il est possible en attendant de faire quelques constatations.

L’informatique est l’un des exemples les plus connus (logiciel est proposé pour software dès 1970 par la commission ministérielle de terminologie de l’informatique), et c’est à elle que l’on doit la francisation des termes de base de cette discipline. Mais bien des néologismes inventés par ces commissions se sont imposés, notamment dans des disciplines entières, comme la télédétection aérospatiale. Indépendamment des termes imposés qui étaient déjà dans l’usage, l’un des termes réellement créés qui s’implanta le plus rapidement fut sans doute monospace, diffusé par un communiqué de presse à l’AFP de la Chambre syndicale des constructeurs d’automobiles. Terme inventé en 1989 par le groupe de terminologie automobile de la CMT des transports, il est formé sur monocorps et sur espace et désigne la catégorie de véhicule du type Renault Espace. Il manquait pour nommer cette notion un néologisme qui mît à la disposition d’autres constructeurs une désignation usuelle. Le cas est le même pour baladeur, inventé par la CMT de l’audiovisuel en1983 à partir de micro baladeur, qui a permis de donner une désignation disponible et usuelle pour walkman, marque déposée Sony.

On pourra en apprécier l’emploi remarquable dans la presse de ces derniers jours, qui indique que ces termes sont fortement en usage. Pour monospace, celui-ci apparaît en titre de la rubrique "Sur la route" (Libération du 20-21 avril 1991) : "Voyager : le monospace des grands espaces". Pour walkman, une publicité d’une page de la FNAC insérée le 21 mai dans plusieurs quotidiens : "Baladeurs : nous les avons testés partout pour qu’ils puissent vous suivre n’importe où", le terme walkman n’apparaissant en aucun endroit de la rubrique (il faut également noter par ailleurs que la FNAC a inventé sur baladeur, la... baladabilité). Les exemples sont nombreux, et l’on pourrait citer aussi bien des cas comme technopole (espace qui regroupe un ensemble de pôles technolo­giques ou technopôles) dont l’étude terminologique fut effectuée en 1987 par la commission générale de terminologie, voyagiste (pour tour operator), ou parraineur proposé pour sponsor en 1989 par la CMT des finances, et que l’on retrouve en 1ère page dans le numéro de Libération du 4 janvier 1991.

Si ces termes ont pris, c’est à l’évidence, qu’ils ont été jugés adaptés. Comment l’ont-ils été est une question un peu mystérieuse à laquelle on peut cependant commencer de répondre. Chacune des commissions est composée de membres éminents -donc influents- dans leur domaine, qui ont à cœur de diffuser leurs propres travaux. Elles sont de plus relayées par l’activité d’associations actives qui travaillent sur le terrain et dans un domaine propre, comme l’Association "Actions pour promouvoir le français des affaires" ou dans l’entreprise, comme le Cercle Étienne Cattin de la SNCF apte à connaître les rouages de diffusion nécessaire dans la profession. Un article récent de son responsable est ainsi paru sur ce sujet dans "Grandes lignes" du mois d’avril 1991, qui diffuse à 140 000 exemplaires.

De plus, plusieurs de ces commissions ont réalisé des numéros spéciaux sur leurs travaux, telle la CMT des finances dans les "Notes bleues" du ministère de l’économie et des finances (21 000 exemplairesen 1990), ou la CMT de télédétection aérospatiale dans le Bulletin de la Société française de photogrammétrie et de télédétection en 1988 (2000 exemplaires). Enfin, certaines d’entre elles ont élaboré leur propre document de diffusion, comme la CMT de l’informatique avec son Glossaire des termes officiels de l’informatique (60000 exemplaires), qui entre aujourd’hui dans une nouvelle collection thématique créée au Journal officiel.

Ces efforts semblent avoir porté, et l’une des contributions remise récemment par le service de terminologie de la Délégation générale à la langue française au Conseil supérieur de la langue française expose que ces deux dernières années près de 125 000 documents de terminologie officielle ont été diffusés.

Il resterait certainement à diffuser plus rapidement les décisions des commissions ministérielles de terminologie, et à en intensifier la diffusion. À cette fin, des fichiers de diffusion spécialisée sont en cours de constitution : parmi eux, un fichier des chroniqueurs de langue, français et francophones, représente une originalité.

Mais il ne suffit pas que ces termes nouveaux soient diffusés il faut qu’ils se diffusent. Et pour cela nul autre remède que celui-ci : qu’ils soient bons.

Loïc DEPECKER
Chargé de mission pour la terminologie à la DGLF

(Les Brèves - Lettre de la délégation générale à la langue française, 2ème trimestre 1991)

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