Allocutions prononcées à l’occasion de la cérémonie de remise des récompenses du Mot d’Or, Coupe francophone des affaires et des diplômes de B.T.S. le 4 juin 1995 à Djibouti

Allocution de M. Alain ROSSIGNOL, Inspecteur pédagogique régional et représentant de l'APFA

Le MOT D’OR !

Lors d’une récente Coupe francophone des affaires, un spectateur aussi attentif qu’averti me posa cependant cette question : "Quel est le Mot d’Or ?" La réponse constituait pour lui, à l’évidence, le résultat du concours. Et les 375 candidats de DJIBOUTI cette année (un record absolu, ils n’étaient que 120 l’année dernière) se sont mis, le 21 mars dernier, en quête du MOT D’OR comme en celle du Graal.

Au même moment, dans 34 autres pays, plus de 30 000 candidats se lançaient dans la même démarche, du Canada à la Biélorussie, de la Turquie à la Suède, de l’Île Maurice à l’Île de Malte... Les apprentis orpailleurs fabriquaient des outils à partir d’une matière unique, respectable mais malléable, parfois farouche mais toujours domptable, la langue française.

L’épreuve qu’ils ont eu à surmonter était à la mesure de nos ambitions :
• faire connaître les mots d’aujourd’hui de l’économie et de la gestion, source d’efficacité de toute action,
• accompagner l’excellence dans la maîtrise du vocabulaire des affaires,
• développer une pédagogie du mot nouveau et du savoir entreprendre.

Chacune des quatre parties de l’épreuve ciblait un objectif :

- la connaissance précise des mots des affaires à partir d’une définition :
exemple . action de réserver des places en nombre plus important que celui des places disponibles (transport, spectacle) : surréservation
- la recherche d’équivalent français à des expressions en franglais :
exemple . épinglette pour pin’s, stylique pour design, crédit-bail pour leasing.
- la capacité à forger des néologismes pour des concepts nouveaux :
exemple (relevé dans les copies des participants) .. “intersynergie” ou marque intersynergique pour l’alliance de deux marques.
- enfin le savoir entreprendre, un défi lancé à ceux qui aiment l’initiative et s’intéressent à la création d’entreprise :
exemples: création à Djibouti d’une entreprise d’organisation des cérémonies de mariage, d’une entreprise de transports urbains, de réparation de micro-ordinateurs, exploitation de pierres précieuses, etc...
Le goût d’entreprendre était très présent dans les copies des participants djiboutiens !

Au-delà de la Coupe francophone des affaires, de la maîtrise de la terminologie et des applications pratiques dans les industries de la langue, c’est toute un dynamique que nous avons l’ambition de créer dans l’espace francophone : tout en sauvegardant les identités propres à l’intérieur de la grande famille francophone, la langue française solidarise les pays qui l’ont en partage et favorise ainsi des pôles de développement économique. L’appui aux intégrations économiques régionales, le développement de partenariats (notamment par le Forum francophone des affaires), la mise en synergie des Universités à travers les réseaux, l’émergence d’un droit communautaire des affaires sont autant d’éléments fédérateurs d’énergie et facteurs de développement. Lors d’un récent entretien à I’ACCT, Nicéphor Soglo, Président du Bénin, pays dans lequel doit se dérouler en décembre de cette année le prochain sommet de la Francophonie, évoquait en ces termes ces objectifs : "La Francophonie doit devenir un espace d’échange et de solidarité Nord-Sud pour un développement humain et durable. Faire de l’espace francophone un espace d’échange et de solidarité réelle entre le Nord et le Sud, c’est assurer à la Francophonie une plus grande affirmation et un plus grand rayonnement sur la scène internationale."

Je soulignais l’année dernière, dans ces mêmes circonstances, que la langue française, outil de communication internationale, pouvait et devait jouer un rôle dans la conquête des marchés. Dans un contexte de mondialisation des échanges, face à ce que certains ont appelé "l’anglo-marchand", la langue française, riche de la clarté et de la précision de son vocabulaire, constitue un contre-poids efficace.

L’enseignement d’économie et gestion est l’un des instruments de cette conquête. Le Ministère de l’Éducation nationale de Djibouti s’engage résolument dans cette voie : la première promotion de bacheliers professionnels sort cette année du Lycée Industriel et Commercial. Outre une série "Sciences et technologies tertiaires" (STT) du baccalauréat, orientée vers la communication et la gestion, le lycée d’État de Djibouti dispose d’une panoplie de sections post-baccalauréats (les BTS) formant les futurs animateurs du dispositif de conquête : les spécialités "informatique de gestion", "commerce international", "assistant de gestion de PME-PMI", "assistant de direction" seront complétées à la rentrée prochaine par une section "action commerciale" orientée vers l’ouverture sur les marchés intérieurs et extérieurs. Nul doute qu’alors la mercatique accompagnera nos étudiants dans leur démarche d’expansion de l’économie djiboutienne.

Dans une de ses dernières livraisons, la "lettre de la Francophonie", organe de presse de I’ACCT, indiquait que selon un sondage réalisé récemment en France, 54 % des Français estiment que "la Francophonie devrait absolument occuper une place plus 1m portante dans la vie économique et politique de leur pays". À la question de savoir si l’appartenance à la communauté francophone a changé l’état d’esprit des citoyens des pays qui la composent, les personnes interrogées répondent, dans une proportions de 41 %, que c’est le cas en France, 57 % estiment que c’est le cas dans les autres pays francophones.

La loi française du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite “loi TOUBON”, a considérablement élargi le champ d’application de la loi précédente, qui datait de 1975. C’est une charte qui doit garantir l’utilisation du français dans un certains nombre de circonstances de la vie courante et professionnelle. Sont ainsi concernés :
• l’information du consommateur,
• le monde du travail,
• l’enseignement,
• l’audiovisuel,
• les manifestations, colloques et congrès.
En matière d’enseignement (domaine qui nous concerne plus particulièrement), outre l’obligation d’utiliser (dans les leçons et dans les manuels) les termes francophones à chaque fois que la commission de terminologie a prévu un équivalent francophone au terme étranger, la loi préconise la connaissance de deux autres langues. Comme le souligne la Délégation générale à, la langue française, "la vigilance à l’égard de la langue française va de pair avec l’ouverture aux autres langues et cultures et traduit le souhait de construire un monde pluraliste respectueux des diversités"

Cette loi n’a rien d’excessif. Le Conseil constitutionnel a même supprimé l’une des rigueurs prévues par la loi, celle d’interdire de recourir à des termes étrangers lorsqu’il existe des termes français de même sens approuvés par des arrêtés des commissions de terminologie dans la désignation, la présentation et la publicité des biens, produits ou services. Cependant, la loi du 4 août 1994 permettra de relever des contraventions spécifiques pour les infractions à certaines dispositions relatives à la présentation des produits et aux colloques.

Pour I’APFA, que je représente ici, nous ne souhaitons qu’inciter. Inciter à choisir la langue française plutôt que toute autre, inciter à maîtriser le français dans son usage quotidien, inciter au respect de chaque culture et des autres langues.

Enfin, entre les deux catégories de lauréats qui seront ce matin à l’honneur, il existe un lien dont je souhaitais souligner la force : c’est la présence attentive et la collaboration sans faille des opérateurs économiques de ce pays, qu’ils soient chefs d’entreprise, responsables de service ou représentants d’organisations professionnelles (au premier rang desquelles la CICID). Ils ont su, par leur détermination à œuvrer dans l’intérêt de tous, nous fournir les terrains de stage dont nous avions besoin et répondre généreusement à nos sollicitations pour LE MOT D’OR. Qu’ils soient chaleureusement remerciés.

Toute œuvre s’inscrivant dans la durée a besoin de se nourrir de symbole. Cette manifestation du MOT D’OR est celui de tous ceux que "l’amour des mots, la passion de l’action efficace, l’avenir de chaque culture" mobilise, pour reprendre le slogan de I’APFA. Et j’emprunterai ma conclusion à l’actuel Président du Sommet francophone, le Premier ministre de la République de Maurice, sir Anerrood Jugnauth : "La Francophonie est un symbole. Symbole d’un monde, pluriel mais uni, de peuples différents mais solidaires."

Allocution prononcée par M. MOULINE, Chef de la Mission de Coopération et d’Action Culturelle

Je me réjouis tout particulièrement, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs, de participer à vos côtés à cette cérémonie officielle de remise des prix de la Coupe Francophone des Affaires, le Mot d’Or 1995.

Nous sommes maintenant dans la tradition, puisque la première manifestation dans ce cadre eut lieu en 1991 et qu’elle réunit aujourd’hui 35 pays dans le monde entier. À DJIBOUTI, le nombre record de 375 participants a été enregistré.

Placée sous le patronage du Haut Conseil de la Francophonie, de l‘Agence de Coopération culturelle et technique, de la Délégation générale à la langue française et de l‘Action pour promouvoir le Français des Affaires, représentée ici par M. ROSSIGNOL, Inspecteur Pédagogique Régional bien connu à DJIBOUTI pour le travail remarquable qu’il y effectue depuis plusieurs années, elle est également parrainée par la Caisse Française de Développement.

Certains pourraient considérer que cette remise de prix; après tout, ne constitue qu’un combat d’arrière-garde, voué à l’échec devant les progrès inexorables de l’Américan Way of Life, du business et du Wall Street Journal.

Je pense bien sûr à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, texte fondamental de la charte des Nations Unies, qui doit vous rappeler que c’est dans la langue française que s’est, pour la première fois, exprimée une idée qui demeure essentielle : le développement économique et social auquel vous destinez votre avenir est indissociable du respect des droits de l’homme. Parfois, on peut lire ou entendre des interrogations sur l’utilité ou la nécessité de l’étude du français. Ces questions se posent soit au nom du respect de l’identité culturelle de chaque nation, soit au nom de l’efficacité économique qui devrait nous orienter définitivement vers l’anglais.

Ce que je viens de dire suffirait à ruiner ces analyses. J’ajoute cependant que s’engager dans cette voie, ce serait oublier que "la Francophonie est un espace de dialogue, de coopération et de partenariat dans le plus profond respect de sa diversité. Son unité se fonde sur une communauté de valeurs et de langues, consacrée à la promotion de la paix, de la justice, de la sécurité, de la solidarité et de la démocratie ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui sont universels et inaliénables" (Déclaration du Sommet Francophone de Maurice 1994).

Permettez-moi de ne pas en être convaincu.

Autorisez-moi quelques commentaires susceptibles de nourrir votre réflexion et de mesurer combien les jeunes que nous allons récompenser dans quelques instants sont peut-être, tout au contraire, aux avant-postes du progrès, d’abord parce que leur engagement dans le monde des affaires témoigne de leur volonté de participer à l’activité économique et au développement de votre pays. Ensuite parce que ce choix les intègre pleinement comme membres de cette très grande communauté ayant le français en partage.

À ce sujet, vous devez considérer que ce choix n’est pas seulement celui d’un véhicule du langage : derrière les mots que vous avez choisi d’utiliser, vivent des concepts, des idées, une ouverture de l’esprit, bref une culture dont l’importance et’ la valeur ont enrichi d’une manière décisive le patrimoine de l’humanité.

Ce serait oublier aussi que cet espace francophone encourage et développe la souveraineté de chaque État en son sein.

Là encore, le Sommet de Maurice, l’année dernière, a permis l’adoption d’une importante résolution sur le français dans les organisations internationales, rappelant ainsi la vocation de notre langue commune à être le symbole de l’unité dans la diversité.

S’agissant de la jeune République de Djibouti, on a souvent dit qu’elle constitue un îlot de francophonie dans la Corne de l’Afrique. Bien sûr. Et sans doute cette situation pourrait elle servir d’argument à ceux qui préféreraient un ensemble géographiquement plus homogène. Mais cet isolement, je l’ai dit, n’est qu’apparent.

Membre de cet univers francophone, DJIBOUTI participe en quelque sorte à cette "exception culturelle" qui consiste à lutter contre l’hégémonie d’une seule langue, tout particulièrement dans le domaine des affaires.

Pour conclure, permettez-moi de remercier tous ceux qui, à chaque étape de la préparation de cette Coupe Francophone des Affaires ont contribué à la réussite de cette manifestation.

Mes félicitations, bien sûr, vont aux lauréats et singulièrement aux élèves de classe de B.T.S., dont j’ai pu apprécier les remarquables travaux. Ceci constitue pour la coopération française dans le domaine de l’éducation, un encouragement à poursuivre dans cette voie.

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