La vie des sections de l'AMOPA : VAR

La mercatique terminologique et le Mot d’Or

Jean-Marcel Lauginie, agrégé des techniques économiques de gestion, inspecteur d’académie, est le président fondateur en 1984 de l’association APFA (actions pour promouvoir le français des affaires) sous le patronage de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France.

Après avoir remercié vivement les membres de I’AMOPA du Var d’être aussi nombreux pour une réunion en juillet et pour un sujet inhabituel, Jean-Marcel Lauginie s’est dit très impressionné et très ému car il voyait "dans notre invitation, /e signe que les mots et les langues deviennent dans le monde de l’économie des sujets d’actualité et d’avenir qui, peu à peu, feront l’événement".

En introduction, Jean-Marcel Lauginie présente deux façons, au moins, de traiter le thème du Mot d’Or, soit en tant qu’action spécifique, innovante, avec ses raisons, son organisation, son déroulement, son avenir, soit en l’incluant dans l’ensemble plus vaste de la démarche terminologique née à la fin des années soixante.

Dans le cas de notre domaine, celui de l’économie, de la gestion, de l’entreprise, des affaires, la caractéristique principale de cet ensemble est celle de la détection des besoins et de la façon d’y répondre, c’est-à-dire la mercatique (de mercatus, le marché). Ce deuxième axe est retenu car il permet d’apporter une compréhension historique plus riche du Mot d’Or et de mieux en percevoir les chemins d’avenir.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Jean-Marcel Lauginie a fait un peu de mercatique pédagogique, c’est-à-dire une consultation de l’assistance pour dégager nos besoins. Parmi les questions auxquelles il sera répondu en cours d’exposé, deux ont été particulièrement appréciées : celle sur les moyens à la disposition des chefs d’entreprise pour permettre aux clients de s’exprimer et celle sur la création d’un lexique franco-russe à Novossibirsk. Voici, à grands traits, les moments forts de l’intervention de Jean-Marcel Lauginie.

La notion de mercatique terminologique

La mercatique, définie en 1973 par les économistes Français François Perroux et Jean Fourastié, consiste à détecter les besoins des consommateurs pour adapter les produits offerts.

La mercatique terminologique, c’est donc la détection des besoins terminologiques avec une adaptation qui porte sur le vocabulaire employé ou encore c’est rechercher le meilleur signe correspondant au concept défini. C’est cette démarche qui conduit du concept, de la technique, au signe qu’il s’agit d’appliquer à la langue des affaires.

Les origines de la langue des affaires

Par analogie avec la formation des prix sur le marché, nous dirons que la langue des affaires se forme au point de rencontre de la langue des offreurs et de la langue des demandeurs.

Comme toutes les langues, la langue des affaires est sous influence, l’influence des multiples environnements de l’entreprise ou plutôt du marché : médiatique, culturel, économique et juridique. Ces influences sont passionnantes à étudier au cours des siècles et des millénaires.

L’actualité de la langue des affaires

Plusieurs phénomènes expliquent son actualité :

- Grâce aux médias, les professionnels ne peuvent plus être propriétaires de leurs termes techniques, qui sont diffusés auprès du grand public et des jeunes en formation de façon brute et abrupte, le plus souvent sans explication ; les journalistes sont, en effet, des passeurs de mots et non des terminologues. Ainsi naît un besoin de compréhension du sens de ces termes.

- Les nouveaux paradigmes des années quatre-vingt, la culture d’entreprise, et de la fin des années quatre-vingt-dix, la gestion du savoir, des connaissances tacites, ont pour ciment la langue qui est la garantie de la compréhension mutuelle.

La réponse à ce besoin terminologique est assurée :

- D’abord par les pouvoirs publics, avec la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), les commissions de terminologie, dont celle du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie : citons les heureux néologismes, Jeune Pousse pour "start-up", Bonne Fée pour "business angel" ou encore Aimantin pour "magnet" ; ils sont plus de 500 !

- Par des entreprises qui ont des services de terminologie (cas fréquent au Québec) ;

- Par des institutions, par exemple la Maison de la Francité à Bruxelles, et par des associations, c’est le cas de I’APFA avec Le Mot d’Or.

L’APFA et Le Mot d’Or

- Faire connaître et faire apprécier les mots nouveaux du monde des affaires, tels sont les objectifs de l’APFA ; nos accordéons en canon glacé, 1 000 Mots d’Or pour les affaires, et les Mots-clés des affaires en 27 langues, sont très appréciés ; notre site www.apfa.asso.fr reçoit plus de 140 visites par jour !

- Le Mot d’Or, né en 1988 dans l’académie d’Orléans-Tours, est un signe de reconnaissance pour saluer la volonté d’entreprendre, fondée d’abord sur la créativité dans la maîtrise du vocabulaire des affaires, en français et dans chaque langue maternelle. Il réunit, chaque année plus de 30000 candidats et 4000 lauréats dans une trentaine de pays francophones et francophiles. L’auteur des sujets est Jean-Marc Chevrot, IA-IPR honoraire d’économie et gestion. En novembre, les meilleurs lauréats de chaque pays sont également honorés à Paris, grâce au patronage de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et de la DGLFLF, lors de la Journée du français des affaires au cours de laquelle des Mots d’Or sont aussi décernés aux professionnels.

- En 2000, la création des Mots d’Or des Jeunes entrepreneurs poètes fait le pari que la communication de l’entreprise du troisième millénaire peut se nourrir de poésie.

L’avenir de la langue des affaires... et du Mot d’Or

L’avenir de chaque langue maternelle des affaires dépend :

- Du traitement des mythes : celui de la monolangue ou l’illusion de la langue universelle selon Claude Hagège et celui du spontanéisme (un néologisme devrait plaire spontanément au mépris de toute pédagogie) ;

- De la conception de l’efficacité des entreprises fondée sur le besoin d’une langue claire et sur le premier respect dû au client qui consiste à s’adresser à lui dans sa langue, la langue de l’acheteur;

- Du choix d’un monde où la diversité des cultures et des langues crée la richesse et la compréhension des autres, qu’on peut retrouver chez Loïc Depecker (Le contact entre les langues permet d’arracher le concept) ou chez Bernard Cerquiglini (Le dialogue, le commerce des langues, le pluralisme sont l’avenir de fa francophonie).

Quant au Mot d’or, ses chemins d’avenir sont nombreux puisqu’il ne s’agit que d’un premier outil d’une pédagogie qui reste pour l’essentiel à inventer : la pédagogie des mots nouveaux nécessaires pour mieux se comprendre. Le talent des jeunes lauréats est bien exprimé, dès 1989, par Omar SalI de Dakar pour qui "la mercatique, c’est l’art de dompter l’âme du marché".

Jean-Marcel Lauginie a conclu son propos avec cette belle devise de l’APFA : "Pour l’amour des mots, le bonheur d’entreprendre et l’avenir de chaque culture". Les applaudissements des membres de l'AMOPA et les félicitations chaleureuses d’un éminent professeur russe de Moscou traduisirent la qualité de cette soirée.

(Revue de l'AMOPA, Association des membres de l'Ordre des Palmes Académiques, juillet 2003)

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