Abdou Diouf, secrétaire général
de l'Organisation internationale de la francophonie


"La Nouvelle-Calédonie est un exemple dans l'Océanie, un phare de la francophonie universelle dans le Pacifique Sud, tant pour la promotion de la langue française que pour exprimer la vitalité de la francophonie à travers ses valeurs de paix, de solidarité, de diversité culturelle, d'État de droit et de coopération pour le développement durable, toutes ces valeurs que nous défendons dans cette partie du monde".

La Francophonie avec une lettre majuscule désigne les institutions gouvernementales ou non-gouvernementales qui s'articulent autour d'intérêts convergents. La francophonie avec une lettre minuscule correspond à un ensemble géographique où la langue française, qu'elle soit langue première ou seconde, est le dénominateur commun des différentes populations qui y habitent.

Le symbole de la Francophonie se manifeste par l'ouverture sur un monde multipolaire reposant sur l'interculturalité entre les peuples et sur la promotion du plurilinguisme.

Le défi qui est à relever en ce XXIe siècle par la langue française est qu'elle puisse s'enraciner comme la langue de la solidarité et du dialogue entre les cultures.

Disciple du Président-poète Léopold Sédar 5enghor, dont on célèbre cette année le centenaire de sa naissance, Abdou Diouf a toujours œuvré pour la francophonie, ce vaste ensemble de plus de 50 États et gouvernements qui réunit plus de 500 millions de personnes, dont près de la moitié peut être considérée comme francophone.

Après avoir débuté des études de droit à Dakar, il les poursuit à Paris avant d'être breveté de l'École nationale de la France d'Outre-mer en 1960.

Il occupe aussitôt de hautes fonctions administratives qui le conduisent au cabinet du Président Senghor. Directeur de cabinet, puis secrétaire général de la présidence, il devient ensuite ministre du Plan et de l'Industrie, puis Premier ministre. Élu Président de la République du Sénégal en 1981, il sera reconduit par trois fois dans ses fonctions suprêmes, quatre mandats qu'il emploiera à poursuivre la tâche de son prédécesseur, dans l'approfondissement de la démocratie, la libéralisation progressive de l'économie et la décentralisation.

Abdou Diouf a également contribué à faire entendre la voix du Sénégal dans le monde, à travers la participation à de très nombreux sommets internationaux, tout en luttant pour une plus grande unité africaine.

Abdou Diouf a été élu secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie (GIF) lors du IXe sommet de la Francophonie, le 20 octobre 2002 à Beyrouth, succédant ainsi à Boutros Boutros-Gali. Il a été réélu le 29 septembre 2006, pour un second mandat, par le XIe Sommet de la Francophonie, qui s'est tenu à Bucarest, en Roumanie.

En tant que secrétaire général de l'OIF, Abdou Diouf est la clé de voûte du dispositif institutionnel de la Francophonie. Il dirige l'OIF et conduit l'action politique de la Francophonie, dont il est le porte-parole et le représentant officiel au niveau international. Il est également responsable de l'animation de la coopération multilatérale francophone. Enfin, il préside le Conseil de coopération.

TROIS JOURS DE VISITE EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Le secrétaire général de la francophonie a séjourné trois jours en Nouvelle-Calédonie. Il s'est tout d'abord entretenu avec Michel Mathieu, haut-commissaire de la République, avec le sénateur Simon Loueckhote, le député Jacques Lafleur, et Marie-Noëlle Thémereau, la présidente du gouvernement. Il a également rencontré Marie-Claude Tjibaou, lors de la visite du Centre culturel Tjibaou. Il a enfin été accueilli par Jean Lèques, le maire de Nouméa, qui avait réuni en son honneur une séance solennelle du conseil municipal. Jean Lèques a brossé un tableau rapide des origines de la francophonie, citant ses principaux pères fondateurs et sa vocation actuelle, sans oublier l'évocation des grands noms de l'Europe qui s'y rattachent. "J'ai toujours souhaité que Nouméa et la Nouvelle-Calédonie soient le phare de la présence de la langue française dans le Pacifique" a affirmé le maire de Nouméa. Abdou Diouf a rappelé, quant à lui, que l'Assemblée de Bucarest avait été consacrée au thème "Mairie et Citoyenneté", citant les trois grandes questions abordées :

Comment favoriser la participation citoyenne en mettant en place et développant des espaces de concertation avec la population ? Comment intégrer les initiatives citoyennes et associer les habitants aux processus de décision, en veillant à maintenir une cohérence d'ensemble de ces décisions ? Comment utiliser les technologies de l'information et les mettre au service du renforcement de la citoyenneté ?

Le secrétaire général de la francophonie a souligné que "De nos jours trop nombreux sont ceux qui s'estiment privés de toute influence sur le cours de leur existence, sur l'environnement dans lequel ils doivent vivre, sur les services mêmes dont ils bénéficient de la part de la collectivité. Consommateurs et non acteurs, ils oscillent entre une soumission passive, laissant les institutions agir en leur nom, et des revendications parfois incohérentes, souvent violentes, sans souci de savoir à quelles conditions une solution est possible". Abdou Diouf a insisté sur le fait que l'éducation et l'information viennent immédiatement après les instruments juridiques de la citoyenneté car "Seul un citoyen éduqué peut réellement tirer parti des informations mises à sa disposition".

Le secrétaire général à poursuivi son discours en ajoutant que les échanges ne cessent de croître entre collectivités, des plus modestes aux plus vastes. C'est une face positive de la mondialisation, une coopération décentralisée : "Pour la francophonie, la coopération décentralisée est un défi, une dimension globale, dans laquelle s'inscrivent aussi bien des questions politiques, les problèmes d'État de droit, ou les actions de solidarité, de gestion durable de l'environnement, et de lutte contre la pauvreté".

Abdou Diouf a conclu en formant le vœu que Nouméa trouve dans ces partenariats la source d'un rayonnement exemplaire.

Le second jour de sa visite, et après s'être entretenu avec le président du sénat coutumier, le président du Comité économique et social, et enfin avec Philippe Gomès, le président de la province Sud, Abdou Diouf assistait en invité d'honneur à la remise des prix du concours du Mot d'Or, qui s'est déroulée au sein de la bibliothèque Bernheim.

LE MOT D'OR 2006

Hélène lékawé, la présidente de la bibliothèque Bernheim, a rappelé que, depuis sa création en 1988, le Mot d'Or a réuni plus de 500 000 candidats dans 42 pays, et honoré ainsi plus de 60 000 lauréats. Cette année, 400 jeunes Calédoniens ont concouru et dix d'entre eux ont été distingués pour leur inventivité, leur originalité et la pertinence de leur proposition.

Daniel Miroux, président de l'Alliance Champlain, ne cachait pas sa joie et sa fierté de recevoir le secrétaire général de la francophonie. Il a rappelé quant à lui que le concours du Mot d'Or avait été créé en 1988 par l'APFA (Actions pour promouvoir le français des affaires), et que son fondateur souhaitait que le français des affaires, celui du commerce et de l'informatique, soit promu et défendu auprès des jeunes.

"Je voudrais préciser par ailleurs que l'Alliance Champlain, qui vient de fêter ses 21 ans d'existence, a été fondée grâce au double patronage, celui de la Société d'études historiques de Nouvelle-Calédonie, dont je salue son président, Gabriel Valet, et aussi un universitaire québéquois, Denis Turcotte, qui voyait dans la Nouvelle-Calédonie un porte-avions de la Francophonie dans le Pacifique".
Les dix meilleurs candidats calédoniens au Mot d'Or 2006 ont été départagés à l'oral sur un sujet illustrant la vie et l'œuvre de Léopold Sédar Senghor, dont on célèbre le centenaire de sa naissance cette année. Le prix a finalement été décerné à Larry Bauge, élève de l'EGC. "Comme quoi le monde de l'entreprise et celui de la poésie peuvent être complémentaires" a ajouté Daniel Miroux.

"De futurs entrepreneurs-poètes, pourquoi pas ? C'est aussi cela la magie de la langue française" a-t-il conclu.

Larry Bauge s'est vu également offrir un voyage à Paris pendant la semaine de la langue française et de la Francophonie, en mars 2007.

Daniel Miroux a également ajouté que l'Alliance Champlain n'était pas la seule à défendre la francophonie, citant le Creipac, en la personne de Dominique Rocton, le Centre culturel Tjibaou, la bibliothèque Bernheim, tout en saluant la création récente de l'IFRAP qui a récemment réalisé une semaine de la Francophonie au Vanuatu.

Abdou Diouf a pris ensuite la parole, interpellant bientôt l'assistance en soulignant "qu'il existe une prévalence de l'anglais, ou plutôt de cette langue passe-partout que les spécialistes ont baptisé "Globbish" : langue de l'échange financier et marchand, langue des aéroports et des lieux de transit, mais aussi langue de la Toile, du réseau Internet, langue qui, pour les anglophones de souche, est en train de rompre les amarres avec l'anglais historique des grands auteurs, celui de Shakespeare, Dickens, Walt Withman, Joyce ou Hemingway".

Le secrétaire général de la francophonie a précisé que face à cette langue globalisée, il est légitime que les autres langues s'attachent à décrire et à comprendre le monde nouveau selon leurs règles, leur histoire et leurs traditions. "Être une langue vivante, c'est d'abord cela : inventer les mots et les tournures qui permettent de dire la vie, telle que chacun la mène et l'organise".

Abdou Diouf a martelé que "perdre sa langue, même sous couleur d'efficacité économique et sociale, c'est entrer en exil, perdre un peu de sa vie", citant nos amis canadiens français, qui ont conquis de haute lutte "le droit de vivre en français" et qui continuent à être particulièrement vigilants à ce sujet, précisant qu'ils sont ainsi capables de nommer les réalités d'aujourd'hui et de demain, à l'image de courriel pour "email", réseautage pour "lobbying" ou magasinage pour "shopping"...

Abdou Diouf a été sensible au fait qu'à travers le concours 2006, le Mot d'Or s'associe à la célébration de ce grand parleur et écrivain que fut Léopold Sédar Senghor qui se voulait avant tout poète : "Senghor n'était ni un homme du passé, ni un responsable réticent face aux réalités nouvelles : mais il savait qu'une plante sans racine ne dure pas longtemps et ne produit aucun fruit" a t-il souligné, précisant que "Les langues -celle de son enfance comme ce français appris plus tard, et dont il fut l'un des maîtres- étaient le terreau de sa réflexion, l'aliment de sa philosophie, de sa sagesse, car, à travers ces langues s'exprimaient, discutaient et se métissaient des visions du monde qu 'il a toujours cherché à concilier."

Si un auteur algérien jugeait la langue française comme un "butin de guerre" que son pays s'était approprié, Senghor, parce qu'il avait réalisé l'indépendance du Sénégal par des moyens pacifiques, définissait ainsi sa langue "Le français, ce trésor inestimable que nous avons trouvé dans les décombres de la décolonisation".

Le secrétaire général de la Francophonie devait conclure son discours sur l'héritage transmis par son maître, et en rappelant le patronage sans faille de l'OIF au concours du Mot d'Or : "La Francophonie, qui a hérité de lui cet idéal de partage, de solidarité et de fraternité, ne peut manquer de s'associer à toutes les initiatives qui veulent faire prospérer ces valeurs".

Le charismatique disciple de Léopold Sédar Senghor s'est ensuite prêté à un bain de foule, échangeant quelques mots avec les invités, signant des autographes et répondant avec le sourire à toute demande de photo en sa compagnie. Homme de dialogue, de conviction et de proximité, il a fort impressionné tous ceux qui l'ont approché et qui ont pu échanger avec lui durant ces trois journées d'entretiens protocolaires et de rencontres diverses et complémentaires.

Abdou Diouf, le sage de l'Afrique, le disciple et l'héritier de Senghor, l'apôtre de la francophonie, n'a cessé de marteler son message : "Le combat pour le français est un combat essentiel, et nous nous battrons jusqu'à notre dernière goutte de sang, mais ce combat doit se faire en partenariat avec les langues maternelles".

Abdou Diouf a quitté la Nouvelle-Calédonie, ce "laboratoire de la diversité culturelle" qu'il rêvait de découvrir, pour s'envoler vers le Vanuatu où il séjournera deux jours. Il avait formé le vœu de visiter le dernier pays à part entière de l'OIF, avant le terme de son premier mandat à la tête de la Francophonie.

Jean-Claude Hunin

Remise des prix

Abdou Diouf au centre, accompagné de Michel Mathieu et de Jean Lèques

Remise des prix

Abdou Diouf et Simon Loueckhote

(Challenge n° 84 de janvier et février 2007)

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