FRANCOPHONIE : UN JOUR, UN MOT



Semaine de la francophonie : cuisine-émotion pour « fooding »

Pour la troisième année, Jean-Marcel Lauginie (président de l'APFA (Action pour promouvoir le français des affaires), organise samedi 17 mars prochain, dans le cadre de la Semaine de la francophonie, le Mot d'or.

Il s'agit, au cours d'une dictée qui aura lieu au château de La Motte, à Saint-Cyr-en-Val (de 13 h 30 à 15 heures), de « partir à la découverte de mots recommandés en écrivant un conte terminologique dicté ».

Choisir un mot nouveau (ou d'un emploi nouveau) à la place de mots franglais.

Chaque jour, jusqu'au 20 mars, La Rep' publie la correspondance de mots du français des affaires en lieu et place de mots franglais. Première expression : « cuisine-émotion » pour « fooding ».

Les mots-valises, fabriqués en accolant les premières et les dernières syllabes de deux mots, tel que courriel (pour courrier électronique), n'ont pas que la faveur des terminologues francophones. Les amateurs de franglais en sont aussi friands; l'un des plus récents est « fooding » construit en associant « food » (la nourriture) et la finale de « feeling » (le sentiment, l'émotion).

On ne sera pas étonné qu'au pays de la gastronomie, les équivalents français de « fooding » soient nombreux, comme le souligne la Commission générale de terminologie et de néologie qui propose : gastronomie, art ou plaisir de la table, bonne chère, bien-manger, art culinaire...

Notre préférence ira cependant à cuisine-émotion, qui est une nouvelle expression dans le monde de la restauration et, à ce titre, devrait être facilement préférée à « fooding ».

Tous les autres termes sont certainement justes selon le contexte mais, ayant déjà une charge expressive, ils auront du mal à supplanter « fooding ». Vive la néologie qui met en appétit pour goûter les mots et l'art de la table !

Jean-Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 13 mars 2007)


Faire le point pour « (de)briefing »

Justement, dans les deux cas, il s'agit bien de faire le point : avant une action pour « briefing » et après une action pour « debrieflng ». Nos amis québécois ont su construire sur bref (de l'anglais « brief ») en créant breffage et débreffage. En France, le Journal officiel (JO) du 27 décembre 2006 vient de nous offrir réunion préparatoire et réunion-bilan ainsi que le point de presse pour le « press briefing » des journalistes.

Il y avait urgence, car « briefing » et « debriefing », utilisés par les militaires, devenaient très à la mode dans les entreprises. Cet abus, en particulier sous sa forme verbale « briefer », entraînait la confusion avec son homonyme, l'expression bien française, mais tombée en désuétude, briffer, qui avait un tout autre sens, celui de manger gloutonnement, comportement guère compatible avec les exigences de l'action !

Si cet anglicisme permet de donner une nouvelle vie à briffer (préféré aux très vulgaires bâfrer et bouffer), ce serait une conséquence heureuse du passage par l'anglais. On en redemande... goulûment !

Pourquoi pas dès lors, après l'action, une réunion-bilan où on aurait enfin le droit de briffer ?

Jean-Marcel Lauginie

(La République du Centre, 14 mars 2007)


Pactole de sortie pour « golden parachute »

Le début des années 90 nous avait habitués aux « golden boys », ces faiseurs d'or de la finance internationale.

Le nouveau millénaire bruit de « golden parachute », mais aussi de « golden handshake » ou encore de « golden hello ». Par la magie des mots, les euros sont transformés en or lors du départ ou de l'embauche d'un dirigeant d'entreprise. Dans tous les cas il s'agit de primes, mais si considérables qu'on est loin de la notion même de prime.

On doit à des journalistes cette idée séduisante de pactole qui traduit bien l'importance des sommes en jeu. On parlera de pactole de sortie, de pactole de départ, mais aussi de pactole d'entrée et, pourquoi pas, de pont d'or ! La petite rivière nommée Pactole, de Lydie, l'ancienne contrée d'Asie mineure, qui roulait des paillettes d'or comme le rappelle le dictionnaire le Robert, serait bien étonnée d'avoir alimenté un si gros fleuve d'espèces sonnantes et trébuchantes !

Jean-Marcel Lauginie

(La République du Centre, 15 mars 2007)


Dialogue (en ligne) pour « chat »

La toile est un espace de prédilection pour faire naître des mots, ce qui ne doit pas nous étonner : chaque invention technique, pour la nommer, est une source de création de termes étrangers ou français, selon la langue d'origine de l'inventeur.

Il en va ainsi de cette nouvelle façon d'entrer en relation avec les autres sur la toile grâce à la technique du « chat » c'est-à-dire du bavardage et de la « chatroom », le lieu sur la toile où l'on cause à distance. Les Québécois ont vite réagi, dès 1997, pour faire entrer cette technique dans la culture francophone avec le délicieux clavardage (mot-valise mêlant le clavier et le bavardage) et l'heureux bavardoir (rapprochement entre bavardage et parloir).

Le Français de la métropole, dit parfois par dérision « hexagonal », a préféré faire cavalier seul en choisissant causette en 1999, puis y renonçant en 2006 pour retenir en définitive ce dialogue en ligne qui a le mérite de la compréhension immédiate et qui se simplifie facilement en dialogue. Plus d'ambiguïté : le clavardage ou le dialogue ne peuvent plus être confondus avec un animal de compagnie cher à nos amis anglais !

Jean-Marcel Lauginie

(La République du Centre, 16 mars 2007)


Compte rendu pour « reporting »

Chaque spécialité avait su traiter l'anglais « reporting » en faisant la démonstration de la précision et de la clarté de la langue française. Ainsi, dès 1993 ce fut pour les comptables, la reddition des comptes, pour les mercaticiens et les commerciaux, la mercatique après-vente (la MAV par analogie avec le SAV, le service après-vente), pour les banquiers et les financiers, la déclaration des ordres.

Au début des années 2000, le « reporting » a envahi le domaine social déjà occupé par le bilan social, en tant qu'obligation légale, depuis 1977. Que fallait-il faire devant cette invasion intempestive ? Tout simplement rechercher le sens premier et général en économie de « reporting » qui n'est pas un audit mais un rapport ou encore mieux un compte rendu ; ce fut le choix de la Commission générale de terminologie et de néologie en 2006 avec cette définition : opération consistant, pour une entreprise, à faire rapport de son activité. Ainsi le compte rendu reprend une belle vigueur en échappant à l'ancien tryptique : rapport, compte rendu, procès-verbal, pour jouer dans la cour des grands de la gestion !

Jean-Marcel Lauginie

(La République du Centre, 17 et 18 mars 2007)


Avant-soirée pour « access prime time »

Encore un exemple où le français fait plus court que l'anglais, contrairement à l'idée reçue. De plus, cette avant-soirée met l'eau à la bouche alors que le long « access prime time » est particulièrement rugueux. Cette réussite terminologique a pour origine le point de fixation des publicitaires sur l'heure où l'audience la plus forte est garantie avec, en conséquence, un coût à la minute digne du livre des records !

Les terminologues ont privilégié l'audience de préférence au coût, c'est-à-dire l'écoute, pour caractériser cette heure de 20 à 21 heures qualifiée de grande écoute en France en 2006 ou encore de pointe au Québec dès 1981. Toujours précurseurs dans la veille terminologique, les terminologues québécois avaient finement réservé l'heure de pointe pour la radio, la période de pointe pour la télévision, avec le début de pointe pour la période en amont. Cette notion de période, reprise par les terminologues français, a débouché naturellement sur l'avant-soirée pour la tranche horaire 19 heures/20 heures qui précède l'heure de grande écoute.

Quand les cousins de France savent exploiter la créativité des cousins d'Amérique, le succès est au rendez-vous. Vive la terminologie franco-québécoise !

Jean-Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 19 mars 2007)


Merci à Étienne Dolet, parole de francophone !

En cette Journée internationale de la francophonie, nous souhaitions rendre hommage à Étienne Dolet.

Par sa volonté de traduire pour « célébrer sa langue », Étienne Dolet a été le premier à jeter les bases de la traductologie, la science de la traduction, comme le souligne la revue « Traduire » dans sa dernière livraison. Quel lien avec la francophonie ? On aurait pu imaginer une francophonie ne s'intéressant qu'à la langue française dans l'ignorance des autres langues pour mieux les dominer. Ces temps de domination d'une langue par une autre sont révolus dans les grandes aires linguistiques... à l'exception pour quelques années encore de l'aire anglophone. La francophonie, comme l'hispanophonie, la lusophonie et depuis 2005 l'UNESCO et l'Europe, a fait le choix de la connaissance partagée des langues pour entrer dans le futur. Le titre du dernier ouvrage de Claude Hagège en est le reflet « Combat pour le français au nom de la diversité des langues et des cultures ».

Sans les traducteurs, nous serions ignorants du monde : un grand merci à Etienne Dolet, l'Orléanais !

Jean-Marcel Lauginie

(La République du Centre, 20 mars 2007)

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