FRANCOPHONIE : UN JOUR, UN MOT




« Opérateur » au lieu de « trader »

Depuis 1990, les francophones de tous les continents célèbrent chaque 20 mars la Journée internationale de la Francophonie. Une journée dédiée à la langue française qui unit 200 millions de locuteurs recensés dans le monde et rassemble aussi les 803 millions de personnes vivant dans les 68 États et gouvernements de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

La date du 20 mars a été retenue en commémoration de la signature, en 1970 à Niamey (Niger), du traité portant création de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), aujourd'hui Organisation internationale de la francophonie.

Comme chaque année, durant une semaine, Jean Marcel Lauginie, président d'Actions pour promouvoir le français des affaires (AFPA), nous propose la traduction d'un mot anglais. Aujourd'hui, en plein dans l'actualité : « Opérateur-trice, pour "trader" ».

Les événements récents dans une banque française ont porté vers le grand public un métier relevant du jargon professionnel des marchés financiers, celui de « trader », de l'anglais « trade », le commerce. Comment nommer ce métier en français ? Commerçant, marchand, négociant, auraient bien convenu, mais l'usage les avait réservés au commerce des biens et services non financiers.

Négociateur aurait pu être retenu, mais les partenaires des grands contrats internationaux ou les diplomates avaient jeté leur dévolu dessus. La solution devait venir de la technique financière où l'on parle couramment d'opérations bancaires ou boursières. Opérateur et opératrice (de marché) sont ainsi les termes recommandés, parus au Journal Officiel du 28 décembre 2006.

Que peut-il se passer lorsque cet opérateur est un passionné d'informatique peu scrupuleux ? De fouineur, mu par un défi personnel ou par souci de notoriété, il peut glisser dangereusement vers un pirate, équivalents nés tous deux en 1999 pour désigner respectivement le « hacker » et le « cracker » anglais, belle richesse de la langue française qui sait nuancer à merveille le comportement humain face à l'argent !

Jean Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 19 mars 2008)


« Bouche à oreille » pour « marketing viral » et « buzz marketing »

À l'ère des virus, le « marketing anglo-saxon » ne pouvait qu'être atteint et devenir lui-même. .. viral !

Ce « marketing viral », qui s'est infiltré dans le monde commercial, est une technique mercatique liée à la facilité des échanges entre des internautes réunis au sein de communautés encore appelées tribus par les sociologues. Utiliser cette relation de confiance établie sur la Toile pour faire connaître un produit est donc une des dernières trouvailles des communicateurs : ils se basent sur la technique du bouche à oreille qui entre ainsi dans la modernité en devenant... électronique !

Le bouche à oreille, fort de sa nouvelle vigueur due à la Toile, n'a fait qu'une bouchée, au Journal Officiel du 12 juin 2007, du nouvel intrus le « buzz marketing » avec ses dérivés en cours de traitement « buzz engine », « buzzer » et « buzzer kit », respectivement logiciel, spécialiste et guide de ce bouche à oreille dont la belle santé prouve la capacité de notre langue à traduire les tendances les plus actuelles de la vie en société.

Jean-Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 20 mars 2008)


« Prêt à haut risque » pour « subprime »

Un chroniqueur financier de l'été 2007 le décrirait comme étant celui de la crise des « subprimes », expression bien étrange pour les ménages qui en furent victimes.

Tout s'éclaire lorsque l'expression est donnée dans son emploi complet : « subprime mortgage loan ». On se trouve, en effet, en présence d'un prêt (« loan ») hypothécaire (« mortgage ») qualifié par l'adjectif « subprime » composé de « prime » signifiant, en anglais, principal, premier, et du préfixe « sub », sous, pour exprimer que ce prêt est dévalorisé en raison des risques importants encourus, liés aux faibles revenus des particuliers emprunteurs, qui se soldent par des taux d'intérêts élevés en général variables.

Dès le 4 octobre 2007, un communiqué de Bercy conseillait d'utiliser l'expression : prêt hypothécaire à haut risque. C'est plus long, mais la clarté est à ce prix.

Jean-Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 21 mars 2008)


« Coucounage » pour « cocooning »

On a longtemps cru que le « cocooning » des années 80, brillamment décrit par l'Américaine Faith Popcorn, et qui continue à alimenter les publicités de la mode ou du confort de la maison, était un néologisme anglo-saxon.

Comme beaucoup de termes qui ont traversé l'Atlantique, celui-ci a une origine bien française, occitane en l'espèce : en Auvergne et en Provence, coucouner c'est dorloter, et tout naturellement, le coucounage, mode de vie conduisant à un repli douillet, retrouve son propre foyer, celui de la langue française qui ne cesse de s'enrichir. Voyez plutôt : au milieu des années 90, le repli de douillet devient frileux avec le calfeutrement (le « burrowing » anglais de «  burrow », le terrier), puis au début des années 2000, le nid familial s'ouvre aux voisins de palier ou de passage, c'est la maison ouverte (le « nesting ») pour déboucher, en 2008, sur ce remarquable ruchonnage québécois (le « hiving ») qui applique à la maison la métaphore de la ruche débordante d'activité.

Du coucounage au ruchonnage, la langue française dans sa diversité apporte avec talent du bonheur terminologique à ses amoureux ! Les ronchons peuvent quitter la partie...

Jean-Marcel Lauginie.

(La République du Centre, 25 mars 2007)

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