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L’ANNÉE DE LA MERCATIQUE
L’HISTOIRE D’UN BEL AVENIR





Mercatique pour "marketing" fait partie des 23 termes de la 19e liste du vocabulaire de l’économie et des finances parue au Journal officiel (JO) du 2 mars 2010.

La mercatique vient ainsi de terminer, en le gagnant, un marathon terminologique, non pas de 40 km, mais de 40 ans.

Tout a commencé en 1970, au sein de la première commission de terminologie économique et financière, où siégeaient deux économistes, Jean Fourastié et François Perroux, qui donna naissance, parmi 54 termes, à la mercatique (du mot latin mercatus, le marché) pour le "marketing", dotée d’une définition basée sur la demande : partir des besoins du consommateur pour créer et adapter les produits.

Mais la mercatique, classée dans l’annexe II de l’arrêté du 3 janvier 1974 n’a pas été publiée au J.O. Seule l’administration en eut connaissance grâce à la diffusion des Notes Bleues du ministère de l’Économie et des Finances. Les enseignants s’en sont emparés : la mercatique, grâce à la force de sa définition, a permis de bâtir de solides formations commerciales dans les années 70/80.

Elle fut reconnue au J.O. du 2 avril 1987 : "Ensemble des actions destinées à détecter les besoins et à adapter en conséquence et de façon continue la production et la commercialisation".

La révision terminologique du 22 septembre 2000 conserva mercatique mais glissa un additif : "Équivalent admis : marketing". Heureusement, l’Académie Française, dans son Dictionnaire, indiquait que mercatique doit être préféré à "marketing". Ainsi la mercatique continua son marathon et engrangea des succès, par exemple la naissance en 2006 du nouveau baccalauréat Sciences et technologies de gestion (STG), spécialité MERCATIQUE.

Au J.O. du 2 mars 2010, l’heureuse suppression de l’additif fait de la mercatique le seul équivalent officiel de "marketing" d’emploi obligatoire pour "les services de l’État et ses établissements publics". Cette décision est certainement due aux dérives du "marketing", en perte de paradigme :

- "l’ambush marketing" est un pseudo-parrainage,
- le "buzz marketing" et le "marketing viral" sont du bouche à oreille,
- le "machine gun marketing" est une attaque commerciale,
- le "marketing compliance" la conformité aux normes,
- le "marketing direct" la vente directe,
- le "marketing mobile" la publicité sans fil,
- le "pré-marketing" un préplacement.

La liste est longue. Le ver était déjà dans le fruit dès les années 60 avec le "marketing-management" américain qui consistait à adapter la demande aux produits, c’est-à-dire le contraire de ce qu’était le "marketing" authentique à sa naissance aux États-Unis, au milieu des années 30.

La nouvelle définition de la mercatique tient compte des évolutions de la science et des pratiques commerciales : l’étude des besoins étant devenue la règle, elle est simplement rappelée par l’expression "le cas échéant", ce qui donne "Ensemble des techniques et des actions grâce auxquelles une entreprise développe méthodiquement la vente de ses produits et de ses services, en adaptant, le cas échéant, sa production aux besoins du consommateur".

Cette victoire, sur le terrain de la fabrication terminologique, de la mercatique enfin débarrassée de son encombrant et ambigu partenaire, ce "marketing » prêt à tous les contre-sens, n’est qu’une étape, mais elle est essentielle. Porteuse d’une définition claire, elle aidera les professionnels et le grand public. Quant aux élèves et aux étudiants, ils pourront résister plus facilement aux techniques de manipulation du consommateur, une autre des dérives souvent dénoncée du "marketing", soulignée, dès 1979, par le Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences commerciales Pierre Hazebroucq dans la préface de la première édition du Dictionnaire commercial : "les Anglo-Saxons ont pu, sans difficultés, innover en employant "marketing" pour désigner tout ce qui a trait à la manipulation du marché".

À l’issue de ce long marathon, la mercatique a construit une grande famille de 25 membres qui ont tous eu les honneurs du J.O. de 1987 à 2010 : mercaticien, mercaticienne, mercatique après-vente, mercatique associée, mercatique d’amont, mercatique d’aval, mercatique de communauté, mercatique de comportements, mercatique de masse, mercatique de relance, mercatique de terrain, mercatique écologique, mercatique électronique, mercatique engagée, mercatique informatisée, mercatique intégrée, mercatique interactive, mercatique par affinité, mercatique par grands comptes, mercatique personnalisée, mercatique prospective, mercatique relationnelle, mercatique sensorielle, mercatique symbiotique, mercatique téléphonique.

Succès supplémentaire, et non le moindre, la mercatique est traduite dans plusieurs langues : savez-vous qu’en IAAI, la langue austronésienne de l’Île d’Ouvéa, mercatique se dit : semaanûsa ? (vous pouvez retrouver ces traductions sur ce site). Elle devient ainsi, dans chacune de ces langues, un outil de structuration des connaissances commerciales.

Autre bonheur terminologique : il se cachait dans le numéro d’août 2010 de la Revue des Sciences de Gestion. On découvre, à la page 80, que le Professeur et Doyen Jaroslav Kita de l’Université Économique de Bratislava a conféré le grade de "Docteur Honoris Causa" à un chercheur français, en ces termes : "Le Professeur Claude Martin compte parmi les personnalités les plus renommées dans la discipline de gestion et de mercatique".

Constatons que 40 ans pour stabiliser en terminologie le concept de mercatique, cela peut paraître long, mais cette stabilisation a permis :
- de faire vivre le concept,
- d’en montrer la force pour la structuration du savoir commercial,
- et de bien le maîtriser à travers son évolution.

Dans 10 ou 20 ans, il faudra certainement le revoir, ce qui va de soi : la langue commerciale, reflet permanent de la vie économique quotidienne de l’échange, est en mouvement constant ; c’est toute la richesse de cette langue et c’est passionnant !


Jean Marcel Lauginie,
Agrégé des techniques économiques de gestion,
Président de l'APFA.

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