COUPE FRANCOPHONE DES AFFAIRES : LE "MOT D’OR" 1993

par Michèle Lenoble-Pinson, professeur.

Placé sous le patronage du Haut Conseil de la francophonie, de l’Agence de coopération culturelle et technique et de la Délégation générale à la langue française, le Mot d’Or est une épreuve lexicale qui se déroule le jour de la fête de la francophonie.

Le Mot d'Or regroupe la Coupe francophone des affaires (pour les pays francophones) et la Coupe du français des affaires (pour les pays francophiles). Né en 1988 à l’Académie d’Orléans-Tours, il est organisé par l’association Actions pour promouvoir le français des affaires (APFA, 278 rue de Sandillon à F-45590 Saint-Cyr-en-Val), dont le président Jean Marcel Lauginie est particulièrement enthousiaste, créatif et actif.

Le Mot d’Or vise à accompagner la recherche de l’excellence dans la maîtrise du vocabulaire des affaires et à développer une pédagogie du mot nouveau afin que tout échange et toute entreprise soient fondés sur des langues bien faites. En 1992, le Mot d’Or a réuni 38.045 candidats dans 22 pays francophones et francophiles ; 39 cérémonies ont permis d’honorer chacun des 4.194 lauréats.

Le 16 mars 1993, aux Facultés universitaires Saint-Louis, j’ai organisé l’épreuve du Mot d’Or pour des étudiants de la Faculté de Droit et de la Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques. Elle comporte quatre parties.

D’abord, il s’agit de trouver le mot dont la définition est donnée. Par exemple, "logiciel spécialisé pour l’enseignement" : didacticiel . Ensuite, il convient de remplacer, dans le texte donné, les expressions et les mots étrangers ou relevant du franglais par des équivalents français. Ainsi, dans "le briefing du directeur général, accompagné de son brain-trust, lui parut assez clair", briefing sera remplacé par réunion préparatoire, bref ou breffage , et brain-trust par groupe de conseillers.

Les étudiants reçoivent d’avance les deux dernières questions et les rédigent à domicile. J’ai préparé ces étudiants à l’épreuve dans son ensemble, en particulier grâce aux 700 mots d'aujourd'hui pour les affaires, dépliant publié par l’APFA. Je leur ai recommandé de mettre leur famille et leurs amis à contribution pour répondre aux questions reçues.

La troisième partie concerne la proposition (avec justification) de mots nouveaux pour des concepts nouveaux. Pour désigner les nouveaux complexes hôteliers et de loisirs, généralement haut de gamme, qui permettent à leurs clients de composer à la carte le produit qu’ils souhaitent en choisissant un type de site (montagne, mer, campagne), un ou des sports et un type d’animation, ainsi que des services (location de voiture, organisation de circuits, de visites...), les étudiants des Facultés Saint-Louis ont créé des néologismes ou mots nouveaux, tels que menu-villégiature, villégihôtel, mutiplexe, novomultitel, détenterie et aussi des acronymes et des sigles, comme CAREV ou Choix d'activités de rêve, d'équilibre et de vitalité, C.V.O.M. ou centre de villégiature aux options multiples. En outre, examiné le 3 avril dernier par l’Atelier de français vivant, l’emprunt resort a fait l’objet d’une fiche lexicale incluse dans le n° 2 de Francité.

Autre néologisme à créer : donner un nom à l’utilisation frauduleuse de coupons de réduction pour d’autres produits que ceux pour lesquels ils ont été prévus. Des étudiants proposent couponnage-pirate, faux-couponnage, acouponnage, coupon-fraude ou coupofraude, frauduction (mot-valise formé de fraude-réduction), fraudonnaqe, ristourne noire, etc.

Enfin, comment appeler les personnages importants à qui l’on doit manifester beaucoup d’égards pour des raisons internes (à une organisation) ou externes (raisons politiques, diplomatiques, religieuses… ou simplement commerciales) ? Des étudiants avancent les éminences, les haut-placés, les sommités, les hypergradés, les deférenciers, les magnants, les ténorautors, ou les sigles suivants : les P.G.I. (personnalités de grande importance), les T.I.P. (très importantes personnes), les P.D.C. (personnes de choix), les P.D.M. (personnages de marque), les P.H.S. (personnes de haut statut), etc. Le correcteur privilégiera les réponses qui fournissent des néologismes suggestifs et respectent les modes de formation des mots.

La dernière question interpelle les jeunes. "Sachez entreprendre en français. Vous souhaitez exercer votre goût d’entreprendre et vous décrivez, en une dizaine de lignes, les points essentiels du projet qui vous tient le plus à cœur”. Des projets concernaient une bibliothèque ambulante pour enfants de quartiers défavorisés, des écoles de devoirs, des tours du monde soutenus par des parrains de la francophonie, la création de petites entreprises, la mise en scène de certaines pièces théâtrales, etc. Ici, le correcteur tiendra compte à la fois de l’originalité et du réalisme du projet, et de la qualité de l’exposé, notamment dans l’utilisation de la langue française.

Parmi les références proposées aux correcteurs se trouvent le dépliant de l’APFA déjà cité et le Dictionnaire des néologismes officiels (Paris). Sont également conseillés les travaux terminologiques canadiens, la Norme belge NBN X 04 002 publiée par l’Institut belge de normalisation et les fiches d’anglicismes de l’Atelier de français vivant.

À la fin de l’épreuve, chaque étudiant reçoit un document personnalisé qui témoigne de sa participation. Deux remises de prix sont prévues : l’une, à Bruxelles, le 5 octobre, pour les diplômes ; l’autre, à Paris, le 21 octobre, lors de la Sixième Journée du français des affaires, pour les coupes du "Mot d’Or". Les lauréats recevront aussi des dictionnaires, des livres, des séjours d’études et des cartes du monde politique et de la francophonie. Certains se verront offrir le recueil Anglicismes et substituts français (éditions Duculot, 1991), qui rassemble le contenu de la plupart des fiches d’anglicismes que j’ai rédigées pour l’Atelier de vocabulaire (devenu Atelier de français vivant) de mars 1984 à mars 1991.

Le sérieux, la curiosité et l’enthousiasme de mes étudiants m’ont fait plaisir parce qu’ils témoignent de leur attachement à la langue française et non au franglais. Puissent d’autres institutions que les Facultés universitaires Saint-Louis organiser la Coupe francophone des affaires ou le “Mot d’Or” en 1994 !

(Revue de la Maison de la Francité, septembre 1993)

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