LE FRANÇAIS COMME ON L’AIME

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’un certain Léo Férré, s’élevant contre la floraison des anglicismes, chantait "Moi j’cause français".

"Le Mot d’Or" participe du même principe et souhaite promouvoir l’utilisation de notre langue dans un domaine où elle est particulièrement battue en brèche, le monde économique. Cette Coupe met en concurrence les élèves des classes de premières et terminales sciences et technologie tertiaires, ainsi que les étudiants des BTS tertiaires et des classes préparatoires, telle HEC techno.

Dans l’académie de Rouen, le Mot d’Or, organisé avec le CICOM et la collaboration du Centre Régional de Documentation Pédagogique, concerne plus d’un millier de lycéens et étudiants. Cette opération s’insérait courant mars dans le cadre d’une semaine joliment intitulée "Le français comme on l’aime".

L’argument est sans détour : "Le milieu des affaires est trop souvent envahi par les mots étrangers : doit-on persister à parler de "leasing", "sponsoring", "mailing" ou autre "marketing", alors qu’il suffit d’utiliser "crédit-bail", "parrainage", "publipostage" et "mercatique". Reconnaissons au passage qu’il est des termes plus évidents que d’autres.

Faire deviner ou imaginer par les élèves, les mots français correspondant aux anglicismes usuels de notre langage, tel était l’un des paris lancé avec ce Mot d’Or. Ainsi sont montrés du doigt les termes "show-business", pourquoi pas "industrie du spectacle" et "star-system" pour vedettariat, vivant d’évidence sur un "grand standing", un luxe, un grand confort de haut de gamme, malgré un "look anglais", lisez une coupe anglaise, très "clean" donc élégante, et "cool" parce que détendue, décontractée et "glamour", c’est à dire d’un charme sophistiqué.

Mais cette "businesswoman", cette femme d’affaires, ne perd jamais son "self-control", sa maîtrise de soi. Elle mène son "background", synonyme de carrière, d’expérience, en "selfmade woman", en femme qui ne doit sa réussite qu’à elle-même. La liste n’est pas close, voici un "remake", une nouvelle version dont le "copyright", le droit de reproduction, nécessite un "rewriting", une réécriture, mais son "success-story" l’histoire d’une réussite, en fait un "best-seller", un succès de vente, un gros tirage, qui la place au "box-office", lui vaut la cote du succès et la situe en "pole-position", en première ligne !

Bien sûr, le "casting", le choix des interprètes, permettra de gagner le "jackpot", Ia cagnotte, assurant un "come-back", un retour, sous les "sunlights", les projecteurs, nécessitant un "brainstorming", soit une séance de remue-méninges. pour passer en prime-time, bien sûr à une heure de grande écoute. Le saviez-vous, le "Web" c’est une toile et les "mails", les messages. Allons ne soyez pas aussi "cocooning", mais si... casanier !

Le pari du Mot d’Or : demander aux jeunes gens en lice de donner, selon les niveaux, entre dix. quinze et vingt équivalents à ces termes devenus incontournables de notre langage courant.

La remise du palmarès aura lieu ce mercredi au CRDP, sans un certain Gainsbourg qui aurait adoré jouer avec ces mots-là.

Rémi-Francis Parment

(Liberté Dimanche du 10 mai 1998)

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