Exposé de M. Max FORTIN,
Président de la commission ministérielle
de terminologie de l’équipement et du logement

Il y a une certaine spécificité du domaine de l’équipement, qui est un domaine à géométrie variable. C’est pour ça que nous avons plusieurs commissions de terminologie. Il en existe une pour les transports (puisque les deux ministères sont parfois rejoints, parfois séparés) qui vient de sortir un arrêté au mois d’août, et nous venons de reconstituer celle de l’urbanisme et du logement qui recouvre ainsi tous les termes du génie civil, de la construction de routes... La première série d’arrêtés était due à l’aspect peut-être de ligne Maginot, comme disait le Premier ministre, de l’invasion de mots dans les techniques de pointe utilisées par le ministère, en particulier en matière de transports internationaux, les mots de l’aéronautique civile, de transport en général et cela a parfois bien réussi : "shuttle" n’a jamais réussi à s’introduire, nous parlons de navette ; en matière d’engins de travaux publics, si le "ditcher" a disparu au profit de la trancheuse, malheureusement le bouteur n’a jamais réussi à remplacer le "bulldozer". Mais cette partie là que nous poursuivons et qui continue, pour mes collègues surtout de la commission des transports, à être très importante à cause justement des modifications permanentes dans l’aéronautique civile et dans les modes de transports, avec l’arrivée de nouveaux mots anglo-saxons, notre problème aujourd’hui est différent en matière d’architecture, d’urbanisme et de génie civil : il est dû en gros à l’ouverture des marchés publics à l’Europe, avec un abaissement progressif des seuils, en n’oubliant pas que nous avons 36 000 maîtres d’ouvrages officiels en France pour passer ces marchés et que, autant dans la profession du bâtiment, les maîtres d’ouvrages privés sont majoritaires, autant dans les travaux publics l’État et les collectivités locales sont majoritaires à 90 % ; seules quelques grandes entreprises sidérurgiques ou autres utilisent ce genre de marché et ce genre de méthode.

Jusqu’à présent, effectivement, comme c’était un monde à part, un monde vieux, ancien, avec des techniques qui devenaient très élaborées mais toujours avec les mêmes professions, les mêmes entreprises, on n’a pas ressenti tellement un besoin de précision dans la terminologie. C’est même un monde qui est resté à côté de l’AFNOR et à côté de la politique de normalisation. Et seules les directives européennes, du style de la directive "Produits" qui vient de sortir ou de la directive "Procédés" qui va bientôt sortir, et le problème dit de la nouvelle approche pour l’équivalence des normes, obligent ce monde à part à entrer dans celui de la normalisation traditionnelle de l’AFNOR et d’ailleurs. Et ceci pose aussi des problèmes, dans tout. Et là, je vais être un peu provocateur, car nous avons beaucoup entendu parler jusqu’à présent de "high tech", mais nous sommes, nous, beaucoup, en termes de chiffres d’affaires, dans le "low tech" et donc dans des entreprises qui ont des traditions locales et même dans les marchés de travaux publics passés par les communes ou par l’État, on trouve des termes différents d’une région à une autre. Nous avons donc maintenant un second stade à passer qui est celui de régler un contentieux franco-français pour arriver à dire de façon claire et uniforme ce que nous disions mal dans la mesure où jusqu’à présent les entreprises avec lesquelles l’État ou les services de l’État, agissant pour le compte de ces 36 000 maîtres d’ouvrages publics, avaient en face d’eux des entreprises, souvent locales, qui avaient une certaine crainte révérencielle, qui pensaient qu’ils n’attaquaient pas toujours les marchés lorsqu’ils auraient pu le faire parce qu’ils pensaient peut-être aux marchés suivants. Nous voyons apparaître maintenant beaucoup d’entreprises qui n’ont pas du tout ces mœurs là et qui n’hésitent pas une seconde quand un mot est ambigu dans un marché, à appeler leur "lawyer" britannique ou leur conseil intégré pour attaquer ce mot. Alors, évidemment, ça ne peut pas être le rôle des seules commissions de terminologie, avec leur légèreté, qui à mon avis doivent continuer leur travail traditionnel, comme celui qui a été indiqué dans d’autres ministères, surtout pour les mots nouveaux et les mots qui apparaissent. Il n’est pas du tout impossible que dans d’autres domaines ce soit utile d’avoir un rôle de centralisation. Je vois qu’en matière de bâtiment, le SCTB a une commission qui travaille très fermement là-dessus, un groupe de travail sur les chaussées et terrassements qui comprend à la fois l’État et les entrepreneurs et qui y travaille aussi. Il y a tout un effeuillage à faire sur les synonymes, les ambiguïtés. Cela évitera de faire appel à des mots étrangers qui ne sauraient apparaître plus clairs. Évidemment, tout ceci est un peu différent à cause de la multiplicité des maître d’ouvrages et de la multiplicité des parties prenantes, mais, je dirai que c’est un second volet de l’action pour un français meilleur et plus précis et j’ai plutôt axé mon intervention dans ce sens là, dans la mesure où nous parlons surtout en termes de terminologie contractuelle.

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