Exercices étymologiques des sujets du mot d’or

Certains sujets du Mot d’Or comprenaient un exercice étymologique. Les candidats devaient choisir, en mettant une croix dans la case correspondante, l’origine étymologique qui leur semblait être la bonne pour deux ou plusieurs mots du français des affaires.

Vous pouvez vous tester sur quelques uns de ces exercices.

Auteur : Jean Marc CHEVROT.

Results

#1. Marché

Étymologie du mot MARCHÉ : mercatus (latin).

Le mot latin mercatus (formé lui-même à partir du mot merx qui désignait la marchandise) était employé au sens de commerce, foire, marché, place de marché. Sa forme mercatum est devenue marchetum puis a évolué vers marchiet au 11ème siècle, marchet (12ème siècle) et enfin marché.

Le mot est en général resté plus proche de la forme latine dans les autres langues romanes : mercat en catalan et en occitan, mercato en italien, mercatu en corse, mercado en espagnol et en portugais.

Notons qu’en 1973 les économistes François Perroux et Jean Fourastié, membres de la première commission ministérielle de terminologie économique et financière, créée à l’initiative de Georges Pompidou et présidée par Valéry Giscard d’Estaing, ont inventé le néologisme mercatique construit à partir du mot latin mercatus.

Quant au mot francique marka (poids, monnaie), il est devenu en français marc (avec le même sens), mot qu’on utilise encore dans l’expression « au marc le franc ». En allemand, il est devenu mark (l’ancienne monnaie allemande).

Le mot francique markôn (marcher, piétiner) est devenu en français marcher.

Le dieu Mercure s’est contenté de donner en français son nom aux mercuriales (listes des prix des denrées sur un marché public) et à un jour de la semaine (mercredi, jour de Mercure). Le métal du même nom doit son appellation à la planète Mercure (dont le nom provient, il est vrai, de celui du dieu).

#2. Thésauriser

Étymologie du mot THÉSAURISER (amasser de manière durable de la monnaie dans un coffre, chez soi ou en banque, en évitant d’investir, de prêter ou de consommer) : thesaurus (latin)… et indirectement θησαυρός (grec).

Le document le plus ancien actuellement connu et comportant le mot thésauriser date de 1350. C’est un poème religieux de Gilles Le Muisit (1272 – 1352), moine, chroniqueur et poète français. L’auteur y parle de « thresors thesauriziés ». En 1588, Montaigne écrivait encore « thesaurizer ».

Le mot est emprunté à un terme du latin tardif « thesaurizare » (utilisé dans des textes chrétiens) construit à partir du mot du latin classique « thesaurus ». Notons que « thesaurus » provient lui-même du mot grec « θησαυρός ».

#3. Monnaie

Étymologie du mot MONNAIE : moneta (latin).

La déesse Junon était surnommée l’Avertisseuse (Moneta) car elle aurait averti les Romains d’un tremblement de terre. Le temple de Junon Moneta servait d’atelier pour la frappe des monnaies.

#4. Finance

Étymologie du mot FINANCE : finer (ancien français).

Au XIIIe siècle, on disait « faire fin » ou « finer » (altération de finir) au sens de mener à sa fin une affaire en payant (par exemple une rançon), puis de payer. Le mot « fin » avait d’ailleurs pris également le sens de monnaie, d’argent.

Le suffixe « -ance » servant à former des substantifs d’action à partir de verbes (vengeance à partir de venger, résistance à partir de résister…), on a vu apparaître le mot « finance », action de terminer une affaire par un paiement. Ce mot fut d’abord surtout utilisé pour le maniement des revenus du Trésor royal (ce qu’on appellerait aujourd’hui « les finances publiques ») avant de s’étendre aux affaires d’argent privées.

Par l’intermédiaire du mot latin médiéval « financia », le terme est passé dans les autres langues romanes : « finanza » en italien, « financiero » (financier) en espagnol, « finanças » en portugais, « finança » en catalan et en occitan, « finanţe » en roumain.

Il s’est également répandu dans les langues germaniques : « finance » en anglais, « Finanz » en allemand, « finans » en danois et en norvégien, « financer » (finances) en suédois, « financiën » (finances) en néerlandais.

Il a été repris aussi dans les langues slaves : « финансы » en russe, « фінансы » en biélorusse, « финанси » en bulgare, « finanse » en polonais, « financuje » en tchèque, « finance » en slovaque.

#5. Bogue (informatique)

Étymologie du mot BOGUE (informatique) : bug (anglais des États-Unis).

Les insectes sont les premiers bogues qui ont causé du souci aux informaticiens. Les premiers calculateurs programmables fonctionnaient avec des relais électromécaniques dans lesquels les papillons de nuit (attirés par la lumière des tubes à vide) et les mites se coinçaient ou s’électrocutaient parfois en causant des faux contacts ou des courts-circuits difficiles à détecter. Ces mésaventures sont arrivées aux circuits de commande des radars pendant la deuxième guerre mondiale, au calculateur Mark II de l’université de Harvard en 1945 et au premier vrai ordinateur, l’ENIAC, en 1946. À la suite de ces incidents, le mot anglais « bug », qui signifie « insecte » aux États-Unis, a été retenu pour désigner tout défaut de conception ou de réalisation se manifestant par des anomalies de fonctionnement.

Mais ce mot était en fait déjà utilisé auparavant, depuis 1870 au moins (Edison l’employait), pour désigner un dysfonctionnement électromécanique car c’était la marque d’un appareil télégraphique au fonctionnement délicat qui était à l’origine de nombreux problèmes.

En France, la commission de terminologie de l’informatique a proposé, en 1983, d’utiliser le mot « bogue », phonétiquement assez voisin, qui désigne l’enveloppe bardée de piquants des châtaignes. Elle préconisait de conserver le genre féminin mais l’usage en a fait un mot masculin, si bien qu’on dit maintenant une bogue pour la châtaigne et un bogue en informatique.

Le mot breton « bolc’h » (ou son cousin gaulois ?) est à l’origine du mot français « bogue » désignant l’enveloppe de la châtaigne.

Quant au mot latin « boca », il a aussi donné en français un autre mot « bogue », qui désigne un poisson de la famille des brèmes de mer (« boops boops » pour les ichtyologistes) qui n’a vraiment rien à voir avec l’informatique.

#6. Banque

Étymologie du mot BANQUE : banca (ancien italien)…

mais aussi, de manière indirecte, « bank » (germanique).

Le mot banca désignait le banc (banco en italien actuel) puis la table ou le comptoir des négociants et changeurs italiens qui vinrent exercer leur activité en France. Lorsqu’un négociant était en faillite, sa banca était rompue (« banca rotta » a donné banqueroute).

L’ancien français connaissait le mot « banc », d’origine germanique, pour lequel il existait aussi le féminin « banque » (le mot est féminin en allemand). Il s’est produit un mélange entre les deux mots et l’orthographe actuelle en conserve des traces : banque, banquier, banqueroute… et bancable, bancaire…

#7. Salaire

Étymologie du mot SALAIRE : salarium (latin).

Le sel (sal) était très important pour les Romains, comme pour tous les autres peuples, car il était indispensable pour l’alimentation humaine, pour la conservation des aliments et pour le bétail. Sa production et sa commercialisation étaient d’ailleurs organisées par l’État pour éviter la spéculation et la pénurie. De véritables infrastructures commerciales ont été mises en place pour le sel. Le sel a d’ailleurs servi de monnaie d’échange à différentes occasions dans l’Antiquité.

Le mot salarium désignait à l’origine la ration de sel fournie aux soldats, puis il désigna l’indemnité en argent versée pour acheter le sel (salarium argentum) et les vivres, la solde elle-même avec les prestations en nature, et finalement toute forme de salaire.

Le terme est resté dans ce sens dans toutes les langues romanes : salaire en français, salario en italien, en espagnol et en portugais, salar en catalan et en occitan, salariu en roumain.

Du français, le mot est passé également en anglais (salary).

#8. Bourse

Étymologie du mot BOURSE : van Der Burse… mais aussi bourse et borsa.

L’historien et diplomate florentin Francesco Guicciardini (1483 – 1540) a écrit une Description des Pays-Bas. Il y présente la Bourse d’Anvers (la borsa d’Anversa) et indique que le mot borsa, d’abord appliqué à la Bourse de Bruges, doit son nom à la maison, ornée de trois bourses, d’une noble famille appelée della Borsa (van Der Burse en flamand), lieu de réunion des commerçants de la ville.

Une homonymie, exacte en italien mais plus approximative en flamand, semble avoir conduit la famille van Der Burse à faire décorer sa maison avec des représentations de bourses, consacrant ainsi l’utilisation de ce mot pour désigner ce qu’on appelait auparavant une Loge (Loggia en italien).

On peut donc considérer que l’étymologie de Bourse est double : van der Burse et bourse (borsa en italien) !

#9. @ (dit « a commercial » ou « arobase »)

Étymologie du signe @ (dit « A COMMERCIAL » ou « AROBASE ») : ad (latin).

Le signe @ est très ancien. Il résulte de la ligature, sans doute par les copistes du Moyen Âge, des lettres a et d de la préposition latine ad (à). Il a ensuite été utilisé longtemps par les chancelleries devant les noms des destinataires des courriers diplomatiques rédigés en latin.

Il n’est resté ensuite en usage qu’en Amérique du Nord et presque uniquement en comptabilité, pour désigner le prix unitaire sur une facture : 50 articles @ 7 $ (50 articles à 7 dollars pièce). À ce titre, il fut inclus dans les claviers des machines à écrire américaines. De cet emploi vient son nom de « a commercial » (« commercial at »). En français, il vaudrait d’ailleurs mieux écrire « à commercial ».

Lorsque l’inventeur de la messagerie électronique (Ray Tomlinson) chercha en 1972 un caractère pour jouer le rôle de séparateur dans les adresses électroniques (entre le nom de l’internaute et l’adresse de l’ordinateur hôte), il choisit le signe @ parce qu’il était sur les claviers, parce qu’il ne risquait pas de figurer dans les noms propres et parce qu’il signifiait « à ».

Il semble que l’expression typographique « a rond bas » désignait autrefois le @ (le bas de la casse des imprimeurs contenant les lettres minuscules, ils ont pris l’habitude de les appeler « bas de casse »).

C’est vraisemblablement une déformation de cette expression et une confusion avec le mot espagnol « arroba » (arobe ou arrobe en français, mesure de poids ou de volume qui était peut-être représentée par un symbole voisin) qui ont conduit aux nombreuses appellations que l’on rencontre aujourd’hui dans notre langue : arobe, arrobe, arobas, arobase, arrobas, arobace, etc. La moins mauvaise, d’un point de vue étymologique, serait peut-être « aronbas ».

Certains croient avoir trouvé l’origine du mot arobas dans le « Trésor du Félibrige », lexique de la langue d’oc publié en 1878 par Frédéric Mistral : le mot y apparaît comme une forme régionale de arabast ou alabast (« aile du bât »), sorte de crochet qui sert à attacher les sacs sur le bât des ânes.

Comment faut-il prononcer le signe @ ? En latin, ad ! En anglais, at ! En français, ce serait chez (c’est un des sens du mot latin « ad ») qui semblerait la meilleure solution puisque le signe introduit le plus souvent l’adresse d’un fournisseur d’accès ou d’un hébergeur. L’adresse « jean-françois.dupont@orange.fr » pourrait ainsi se lire : « jean-françois.dupont chez orange.fr ». Ce serait même mieux que la préposition anglaise « at » qui ne signifie « chez » que lorsqu’elle est suivie d’un nom au cas possessif (« at the grocer’s » : chez l’épicier).

En France, la Commission spécialisée de terminologie et de néologie de l’informatique et des composants électroniques a choisi de préconiser les termes arrobe et arobase.

#10. Chèque

Étymologie du mot CHÈQUE : cheque (anglais).

Le mot chèque est une francisation du mot anglais « cheque » (que les Américains écrivent « check »).

Ce mot vient probablement du verbe anglais « to check », qui signifie contrôler, vérifier, enrayer… et qui a comme sens premier celui de « mettre en échec ». Il résulte d’une évolution du mot français ancien « eschec » (« échec ») qui provient lui-même d’une expression persane signifiant « le roi est mort ». La souche ou talon du chèque doit permettre de faire échec aux falsifications.

Certains auteurs donnent comme étymologie au mot « check » le mot arabe « sakk » (peut-être lui-même d’origine persane) désignant un paiement signé. Dans l’empire des califes Abbassides de Bagdad (du 8ème siècle au 13ème siècle), pour réduire les risques liés aux transferts de fonds, les agents du fisc recouraient au paiement signé (sakk), qui était une sorte de chèque, et les commerçants à la lettre de change (hawâla), dont le chèque est d’ailleurs un cas particulier. La lettre de change a ainsi été en usage à Bagdad bien avant qu’elle ne soit utilisée en Europe à la fin du Moyen Âge. Cette étymologie est cependant peu vraisemblable car l’utilisation du mot « cheque » (ou « check ») est relativement récente (18ème siècle). On peut penser que les Templiers (au 12ème siècle) et les banquiers lombards (au 13ème siècle) ont emprunté l’idée de la lettre de change aux banquiers de Bagdad (qui étaient probablement juifs car l’Islam interdit le prêt à intérêt aux musulmans) mais ils n’ont pas introduit les mots « sakk » et « hawâla » dans les langues européennes.

La graphie « cheque » a vraisemblablement été inspirée par le mot « exchequer » qui est une évolution du mot français ancien « eschequier » (« échiquier ») et qui a pris en anglais moderne le sens de « finances ». Le « Chancelier de l’Échiquier » est le ministre des Finances du Royaume-Uni. On appelle « Exchequer bills » les bons du Trésor. En ancien français, on appelait d’ailleurs aussi « Eschequier » (« Échiquier ») le Trésor royal. Les anciens fonctionnaires des finances faisaient en effet leurs calculs avec des tables à jetons qui ressemblaient à un échiquier (table de jeu d’échecs) et étaient désignées par le même nom.

Terminé