Certains sujets du Mot d’Or comprenaient un exercice étymologique. Les candidats devaient choisir, en mettant une croix dans la case correspondante, l’origine étymologique qui leur semblait être la bonne pour deux ou plusieurs mots du français des affaires.
Vous pouvez vous tester sur quelques uns de ces exercices.
Auteur : Jean Marc CHEVROT.
Results
#1. Budget
Étymologie du mot BUDGET : budget (anglais)…
mais en fait, la seule réponse vraiment mauvaise est « buxum » ! Le mot « budget » a été emprunté à l’anglais sous le Consulat. Mais le mot anglais est lui-même une déformation du mot de l’ancien français « bougette » (petit sac, qui était d’ailleurs prononcé « boudgette »), diminutif de « bouge » (sac), venant du latin « bulga » (sac de cuir).
La manie des emprunts inutiles à l’anglais n’est donc pas une spécificité du français des affaires actuel ! Il est amusant de voir ce qu’écrivait à ce sujet le « Mercure de France » de floréal an IX (1801) :
« Parmi ceux qui ont introduit ce mot et qui le répètent, il en est peu qui se doutent qu’il est d’origine française et que nous avons la bonté de le recevoir, de seconde main, des Anglais, qui nous le renvoient défiguré et méconnaissable… Quand on avait à choisir entre différents mots qui tous ont la physionomie française, par quelle inconcevable bizarrerie a-t-on pu donner la préférence à ce vilain mot de budget ! Serait-ce un reste de l’influence de l’esprit fiscal, ami de la barbarie, parce qu’il l’est des ténèbres, et qui, tel qu’un pauvre honteux, s’enveloppe quand il demande, et déguise ce qu’il exige ? »
#2. Cybernaute
Étymologie du mot cybernaute : cybernaut (anglais).
Le mot cybernaute a comme synonyme le mot internaute (utilisateur d’Internet).
En anglais, cybernaut résulte de la contraction des mots cyberspace et astronaut.
En français le mot naute (ou nautonier) désigne un batelier, un matelot, un navigateur.
Le cyberespace, c’est le réseau Internet considéré comme un espace virtuel (lieu imaginaire) dans lequel les internautes ou cybernautes « naviguent » et s’adonnent à des activités diverses (échanges d’informations, discussions, lèche-vitrines, achats, flânerie…). C’est un espace virtuel créé par l’interconnexion mondiale des ordinateurs et regroupant toutes les ressources d’information accessibles dans ce réseau.
Le mot cyberspace (cyberespace) est apparu en 1982 dans un roman de science-fiction de William Gibson qui l’a imaginé à partir du terme cybernetics (cybernétique).
Cybernétique est un mot d’origine grecque (κυбερνητική) utilisé dans l’Antiquité pour désigner le pilotage des navires et réutilisé au 19e siècle pour désigner le gouvernement des hommes (gouvernail et gouvernement ont la même étymologie grecque que cybernétique mais par l’intermédiaire du latin). En 1947, Norbert Wiener, mathématicien américain connu pour ses travaux sur la théorie de l’information, réinventa ce mot pour désigner la science des mécanismes régulateurs et servomécanismes.
#3. @ (dit « a commercial » ou « arobase »)
Étymologie du signe @ (dit « A COMMERCIAL » ou « AROBASE ») : ad (latin).
Le signe @ est très ancien. Il résulte de la ligature, sans doute par les copistes du Moyen Âge, des lettres a et d de la préposition latine ad (à). Il a ensuite été utilisé longtemps par les chancelleries devant les noms des destinataires des courriers diplomatiques rédigés en latin.
Il n’est resté ensuite en usage qu’en Amérique du Nord et presque uniquement en comptabilité, pour désigner le prix unitaire sur une facture : 50 articles @ 7 $ (50 articles à 7 dollars pièce). À ce titre, il fut inclus dans les claviers des machines à écrire américaines. De cet emploi vient son nom de « a commercial » (« commercial at »). En français, il vaudrait d’ailleurs mieux écrire « à commercial ».
Lorsque l’inventeur de la messagerie électronique (Ray Tomlinson) chercha en 1972 un caractère pour jouer le rôle de séparateur dans les adresses électroniques (entre le nom de l’internaute et l’adresse de l’ordinateur hôte), il choisit le signe @ parce qu’il était sur les claviers, parce qu’il ne risquait pas de figurer dans les noms propres et parce qu’il signifiait « à ».
Il semble que l’expression typographique « a rond bas » désignait autrefois le @ (le bas de la casse des imprimeurs contenant les lettres minuscules, ils ont pris l’habitude de les appeler « bas de casse »).
C’est vraisemblablement une déformation de cette expression et une confusion avec le mot espagnol « arroba » (arobe ou arrobe en français, mesure de poids ou de volume qui était peut-être représentée par un symbole voisin) qui ont conduit aux nombreuses appellations que l’on rencontre aujourd’hui dans notre langue : arobe, arrobe, arobas, arobase, arrobas, arobace, etc. La moins mauvaise, d’un point de vue étymologique, serait peut-être « aronbas ».
Certains croient avoir trouvé l’origine du mot arobas dans le « Trésor du Félibrige », lexique de la langue d’oc publié en 1878 par Frédéric Mistral : le mot y apparaît comme une forme régionale de arabast ou alabast (« aile du bât »), sorte de crochet qui sert à attacher les sacs sur le bât des ânes.
Comment faut-il prononcer le signe @ ? En latin, ad ! En anglais, at ! En français, ce serait chez (c’est un des sens du mot latin « ad ») qui semblerait la meilleure solution puisque le signe introduit le plus souvent l’adresse d’un fournisseur d’accès ou d’un hébergeur. L’adresse « jean-françois.dupont@orange.fr » pourrait ainsi se lire : « jean-françois.dupont chez orange.fr ». Ce serait même mieux que la préposition anglaise « at » qui ne signifie « chez » que lorsqu’elle est suivie d’un nom au cas possessif (« at the grocer’s » : chez l’épicier).
En France, la Commission spécialisée de terminologie et de néologie de l’informatique et des composants électroniques a choisi de préconiser les termes arrobe et arobase.
#4. Usine
Étymologie du mot USINE (établissement industriel qui transforme des matières premières ou des produits semi-ouvrés en produits finis à l’aide de machines) : ouchine (picard), mot qui a lui-même pour étymologie le mot latin officina.
Le mot latin officina s’est progressivement transformé en ouchine ou œuchine en Picardie pour désigner, dès le 12e siècle, un bâtiment dans lequel on pratiquait une activité utilisant des rouages mus par la force hydraulique. Ce terme se rencontre d’ailleurs encore en picard.
Il a pris aussi les formes wisine, uisine puis usine (peut-être sous l’influence du droit d’usage de l’eau reconnu à ces établissements). Son utilisation a longtemps été limitée aux régions du nord et de l’est de la France. En Franche-Comté, on se servit même très tôt (10e siècle) de la forme usina pour désigner un moulin.
Le terme s’est répandu en français au 18e siècle pour désigner un établissement industriel équipé de machines, avec l’attrait d’un mot nouveau qui se démarquait des mots « fabrique » et « manufacture » attachés aux anciennes méthodes de production.
#5. Finance
Étymologie du mot FINANCE : finer (ancien français).
Au XIIIe siècle, on disait « faire fin » ou « finer » (altération de finir) au sens de mener à sa fin une affaire en payant (par exemple une rançon), puis de payer. Le mot « fin » avait d’ailleurs pris également le sens de monnaie, d’argent.
Le suffixe « -ance » servant à former des substantifs d’action à partir de verbes (vengeance à partir de venger, résistance à partir de résister…), on a vu apparaître le mot « finance », action de terminer une affaire par un paiement. Ce mot fut d’abord surtout utilisé pour le maniement des revenus du Trésor royal (ce qu’on appellerait aujourd’hui « les finances publiques ») avant de s’étendre aux affaires d’argent privées.
Par l’intermédiaire du mot latin médiéval « financia », le terme est passé dans les autres langues romanes : « finanza » en italien, « financiero » (financier) en espagnol, « finanças » en portugais, « finança » en catalan et en occitan, « finanţe » en roumain.
Il s’est également répandu dans les langues germaniques : « finance » en anglais, « Finanz » en allemand, « finans » en danois et en norvégien, « financer » (finances) en suédois, « financiën » (finances) en néerlandais.
Il a été repris aussi dans les langues slaves : « финансы » en russe, « фінансы » en biélorusse, « финанси » en bulgare, « finanse » en polonais, « financuje » en tchèque, « finance » en slovaque.
#6. Informatique
Étymologie du mot INFORMATIQUE : information et automatique (français).
Le mot « informatique » est un néologisme créé en 1962 par Philippe Dreyfus. C’est un « mot-valise » constitué du début du mot « information » et de la fin du mot « automatique ». Philippe Dreyfus est un des pionniers de l’informatique en France. Il a enseigné cette discipline à l’Université de Harvard et a dirigé le Centre national de calcul électronique de la société Bull. Il a fondé une société d’informatique en 1962 et lui a donné comme dénomination sociale « Société d’informatique appliquée (SIA) », inventant ainsi le terme « informatique ».
On peut définir l’informatique comme la « science du traitement rationnel, notamment par machines automatiques, de l’information considérée comme le support des connaissances humaines et des communications dans les domaines technique, économique et social » (définition approuvée par l’Académie française).
Le terme s’est répandu dans de nombreuses langues : allemand (Informatik), bulgare (информатика), catalan (informàtica), espagnol (informática), finnois (informatiikka), italien (informatica), néerlandais (informatica), occitan (enformatica), portugais (informática), roumain (informaticǎ), russe (информатика), etc. On trouve en anglais le mot « informatics » qui désigne les sciences de l’information. L’informatique proprement dite est désignée, selon les domaines, par les expressions « computer science », « data processing » ou « information technology »…
#7. Solde
Étymologie du mot SOLDE (différence entre le crédit et le débit d’un compte) : solidare (latin).
L’étymologie la plus sûre, et la plus lointaine, est le verbe latin solidare (consolider). Solder un compte, c’est le clôturer en établissant et en virant son solde, éventuellement en effectuant un règlement qui consolide, raffermit la situation du débiteur et celle du créancier. Solidare, devenu soldare en bas latin, a d’ailleurs fini par signifier aussi payer. Solidus, devenu sou en français, désignait une pièce d’or.
Les mots solde et solder sont peut-être parvenus en français moderne par l’intermédiaire des mots italiens saldo et saldare, qui ont le même sens et la même étymologie latine. C’est l’étymologie que retiennent beaucoup de dictionnaires. Ce n’est pas sûr car on trouve les mots solder (au sens de consolider) et soldre (au sens de payer) en ancien français dès le 12e siècle.
Il ne faut pas confondre ce mot solde, qui est masculin, avec son homonyme solde, qui est féminin et qui désigne la rémunération versée aux militaires. Ce dernier a pour étymologie le mot sou (solidus en latin, solt en ancien français, soldo en italien).
Depuis le 19e siècle, on utilise aussi le mot solde, masculin, pour désigner des marchandises mises en vente avec un rabais important. Il arrive fréquemment que le mot soit dans ce cas abusivement employé au féminin.
#8. Bogue (informatique)
Étymologie du mot BOGUE (informatique) : bug (anglais des États-Unis).
Les insectes sont les premiers bogues qui ont causé du souci aux informaticiens. Les premiers calculateurs programmables fonctionnaient avec des relais électromécaniques dans lesquels les papillons de nuit (attirés par la lumière des tubes à vide) et les mites se coinçaient ou s’électrocutaient parfois en causant des faux contacts ou des courts-circuits difficiles à détecter. Ces mésaventures sont arrivées aux circuits de commande des radars pendant la deuxième guerre mondiale, au calculateur Mark II de l’université de Harvard en 1945 et au premier vrai ordinateur, l’ENIAC, en 1946. À la suite de ces incidents, le mot anglais « bug », qui signifie « insecte » aux États-Unis, a été retenu pour désigner tout défaut de conception ou de réalisation se manifestant par des anomalies de fonctionnement.
Mais ce mot était en fait déjà utilisé auparavant, depuis 1870 au moins (Edison l’employait), pour désigner un dysfonctionnement électromécanique car c’était la marque d’un appareil télégraphique au fonctionnement délicat qui était à l’origine de nombreux problèmes.
En France, la commission de terminologie de l’informatique a proposé, en 1983, d’utiliser le mot « bogue », phonétiquement assez voisin, qui désigne l’enveloppe bardée de piquants des châtaignes. Elle préconisait de conserver le genre féminin mais l’usage en a fait un mot masculin, si bien qu’on dit maintenant une bogue pour la châtaigne et un bogue en informatique.
Le mot breton « bolc’h » (ou son cousin gaulois ?) est à l’origine du mot français « bogue » désignant l’enveloppe de la châtaigne.
Quant au mot latin « boca », il a aussi donné en français un autre mot « bogue », qui désigne un poisson de la famille des brèmes de mer (« boops boops » pour les ichtyologistes) qui n’a vraiment rien à voir avec l’informatique.
#9. Marchand
Étymologie du mot MARCHAND (nom et adjectif) : commerçant chez qui l’on achète des marchandises qu’il fait profession de vendre ; relatif au commerce, à la vente sur un marché (« service marchand », « site marchand », « marine marchande ») : mercatus et mercator (latin).
Les mots mercatus (marché) et mercator (marchand) ont conduit à la création en latin tardif d’un verbe nouveau mercatare (commercer, vendre) dont le participe présent mercatans a pris le sens de marchand.
On retrouve dans des textes français anciens l’évolution de ce mot vers la forme actuelle :
mercatantem (accusatif de mercatans)
marchedant (980)
marchaant (1050)
marcheand (1155)
marchant (1293)
marchand (1462)
L’occitan a un mot voisin (mercand). Les autres langues romanes utilisent en général des mots différents mais qu’on retrouve aussi sous des formes voisines en français : comerciant (catalan et roumain), comerciante (espagnol), commerciante (italien), negociante (portugais). Mais on rencontre aussi en italien les noms mercante et mercatante, en espagnol l’adjectif mercante et en catalan le nom mercant. Du français, le mot est également passé à l’anglais (merchant).
#10. Douane
Étymologie du mot DOUANE : dīwān (persan et arabe) par l’intermédiaire du latin médiéval doana.
Le mot persan dīwān désignait un registre, un recueil de poésies (le mot « divan » est encore utilisé parfois en français pour désigner un recueil de poésies orientales). Il a été repris en arabe, sous la dynastie des Abbassides, pour nommer les secrétaires du calife (ils constituaient une sorte de gouvernement), puis en turc, par les sultans ottomans, comme appellation de leur conseil et de la salle de réunion de ce conseil. Le Divan était le gouvernement de l’empire ottoman.
La salle de réunion du Divan (appelée elle-même Divan) comportait des banquettes et des sièges bas garnis de coussins et le mot a été repris en français pour désigner un siège bas et allongé, sans dossier ni bras, garni de coussins.
Comme nom commun, le mot dīwān s’appliquait à un conseil de notables ou à un bureau administratif. C’est ce dernier sens qui est passé en latin médiéval (doana) pour désigner un bureau de douane. On le rencontre dans cette acception en français médiéval dès la fin du 13ème siècle sous les formes dohanne ou doane qui ont évolué vers la forme moderne « douane ».